Après que le patronat et ses représentants se sont répandus dans les médias pour dire que le gouvernement brésilien avait une « dernière chance » pour stabiliser la situation et éviter « l’impeachment », la présidente a procédé à un important remaniement ministériel...
Dilma Rousseff a octroyé davantage de postes ministériels au PMDB (c’est-à-dire a accentué le virage à droite), le partenaire le plus important du PT au sein de la coalition gouvernementale, croyant ainsi que le congrès lui maintiendraIT sa confiance.
Jusqu’à présent, cela n’a pas fonctionné : avec le taux de popularité le plus bas jamais atteint dans l’histoire récente du pays, et une récession qui s’accroît (on prévoit un recul du PIB de 3 % en 2015), le gouvernement continue à rencontrer des difficultés pour faire approuver des mesures d’ajustement fiscal.
En attendant, la possibilité d’impeachment de la présidente a été reportée : actuellement, la position du président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, responsable de la procédure d’impeachment, est encore plus délicate que celle de Rousseff. Malgré les nombreux documents qui attestent de faits de corruption au sein du gouvernement, particulièrement en relation avec la compagnie pétrolière Petrobras, il n’y a pas eu jusqu’à présent de preuve d’une implication directe de la présidente. Un récent rapport de la commission d’enquête parlementaire (CPI) au sujet de la corruption de Petrobras au sein du congrès ne relève pas d’éléments à charge contre elle (et a conclu que la corruption dans l’entreprise n’était pas « systémique »). Mais des preuves accablantes ont été divulguées dans les médias à l’encontre d’Eduardo Cunha désigné comme l’un des bénéficiaires de cette affaire de corruption.
Manœuvres pour sauver sa peau...
Ce qui fragilise encore davantage la position du président de la Chambre, c’est qu’il a été clairement établi qu’il a menti : lors d’une déposition à la CPI, il avait affirmé entre autres qu’il n’avait pas de compte à l’étranger alors que des preuves incontestables prouvent que lui et sa femme possédent des comptes en Suisse... D’après le règlement de la Chambre des députés, mentir à ses pairs est considéré comme une rupture du contrat moral, motif de perte du mandat de député. Ainsi, le PSOL, avec l’appui de députés d’autres partis (dont plus de la moitié des députés du PT), a entamé une demande de retrait du mandat de Cunha.
De ce fait, celui-ci a perdu le soutien des députés et n’a plus l’autorité pour diriger la procédure d’impeachment de la présidente. Cependant, il continue à résister : il dit qu’il ne renoncera pas à la présidence (en fait, il voudrait éviter de perdre son mandat), et négocie avec l’opposition (qui veut l’impeachment de la présidente) et avec le gouvernement, évaluant qui pourra lui donner les meilleures garanties pour son avenir...
Du coup, le toujours pragmatique Lula a fait un appel aux députés du PT pour qu’ils ne rentrent pas dans l’immédiat en conflit avec Cunha. Il a réussi à ce que le PT ne demande pas officiellement sa révocation, mais n’a pas réussi à calmer la majorité des députés du parti.
Dilma Rousseff gagne donc du temps... Et le PT se démoralise toujours un peu plus, sa crise interne continuant à s’approfondir.
De Sao Paulo, João Machado
(Traduction et transcription AS et JMB)