Le pays s’enfonce dans une spirale de violence, depuis le coup de force électoral de Pierre Nkurunziza en juillet qui s’est présenté pour un troisième mandat présidentiel en opposition aux accords d’Arusha.
Vendredi dernier à Bujumbura, a eu lieu l’attaque simultanée de trois casernes, faisant des dizaines de morts, le décompte n’est pas encore officiel du fait du blocage de l’armée. En revanche, on sait que, lors de ces attaques, certains soldats ont retourné leurs armes pour faire cause commune avec les assaillants.
Dans un pays où la lutte pacifique pour la démocratie est en butte à une répression féroce, une partie de l’opposition se radicalise et mène des actions militaires, d’autant que le nombre important d’armes en circulation dans le pays ne peut que favoriser ce choix.
Dans le même temps, les forces de sécurité profitent de ce type d’attaque pour éliminer les opposants – ou les supposés opposants – en menant des exécutions extra-judiciaires. C’est donc quotidiennement que des escadrons de la mort circulent la nuit pour assassiner dans les quartiers connus pour être des fiefs de l’opposition.
Si pendant des décennies, il y a eu des affrontements ethniques entre Tutsis et Hutus qui ont débouché sur une guerre civile, les violences que nous connaissons sont pour l’instant politiques. Le Burundi ressemble à beaucoup de ces pays où les dirigeants n’ont pour ambition que de s’éterniser au pouvoir... Ainsi, les mobilisations populaires qui ont eu lieu principalement dans la capitale à Bujumbura, ont rassemblé Hutus et Tutsis dans une volonté commune de voir leur pays entrer dans la démocratie et l’État de droit.
Violences, interdictions et prison...
Cependant, le danger que le pays plonge dans une violence ethniciste ne peut être écarté. En effet, les membres les plus extrémistes du clan Nkurunziza n’hésitent pas à tenir des propos de haine et de racisme, comme le président du Sénat Révérien Ndikuriyo, pour faire dégénérer cette lutte politique en lutte intra-communautaire qui permettrait au camp présidentiel de retrouver une assise sociale qu’il a perdue.
Dans le cadre des accords de Cotonou qui conditionnent les relations économiques à un minimum de démocratie, l’Union européenne n’a pas été convaincue par la volonté du gouvernement burundais de respecter les droits humains. Difficile en effet de l’être, quand des dizaines de milliers de personnes fuient leur domicile pour échapper aux violences conjuguées de la police et de la milice du parti au pouvoir, les Imbonerakure. De plus, les radios d’opposition sont interdites et les journalistes sont étroitement surveillés quand ils ne sont pas emprisonnés et torturés, comme ce fut le cas pour Esdras Ndikumana, journaliste de RFI.
Si les pays voisins ont une peur légitime que l’embrasement du Burundi engendre une déstabilisation sur l’ensemble de la région des grands lacs en Afrique centrale, aucun n’a la légitimité pour mener une médiation. En effet, au Rwanda et au Congo Kinshasa, les présidents de ces pays ont ou s’apprêtent à triturer leur Constitution pour se maintenir au pouvoir à travers des farces électorales.
Quant à l’Ougandais Yoweri Museveni officiellement nommé médiateur... il est au pouvoir depuis trente ans !
Une des solutions à cette crise est un soutien politique et matériel aux organisations militantes de la société civile burundaise contre la dictature. L’Union européenne n’est pas prête à s’engager dans cette voie.
Paul Martial