Publié le Samedi 9 mars 2024 à 13h00.

« La campagne anti-étrangerEs à Mayotte menace les réfugiéEs burundaisEs membres du MSD »

Entretien. Depuis 2015, le Burundi connaît une situation sociale et politique gravissime qui oblige à l’exil des milliers de personnes, et notamment les opposantEs au régime au pouvoir. Des militants du Mouvement pour la solidarité et la démocratie sont notamment en exil à Mayotte où les récentes annonces du ministère de l’Intérieur menacent directement leur sécurité. l’Anticapitaliste a rencontré JS, représentante du Mouvement pour la solidarité et la démocratie – France.

Quelle est la situation politique au Burundi en ce moment ?

Laissez-moi vous donner juste les chiffres pour que vous puissiez juger par vous-même. Il y a aujourd’hui 12 000 prisonnierEs politiques au Burundi dont la majorité sont des jeunes, coupables d’avoir manifesté en 2015 contre un troisième mandat anticonstitutionnel, du président Nkurunziza (décédé en 2020). Près d’un demi-million de BurundaisEs se sont exilés dans les pays voisins et un peu partout dans le monde pour échapper aux assassinats. Plus de 3 000 opposantEs ont été assassinéEs depuis 2015. Une milice illégale issue de la jeunesse du parti au pouvoir, le CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces de défense de la démocratie), a été créée et quadrille le pays. Elle joue le rôle aujourd’hui de police et de supplétif de l’armée dans sa guerre contre l’opposition armée du Mouvement de résistance pour un État de droit (RED Tabara). La milice rackette la population, participe aux enlèvements des opposantEs et à leurs assassinats quotidiennement. Le régime considère le bien de la nation comme son bien personnel. Une caste des généraux, ténors du CNDD-FDD, s’est approprié toutes les richesses du pays, et malheur à qui ose dénoncer ce pillage. Avec le Soudan du Sud, le Burundi fait désormais partie des deux pays les plus pauvres au monde. La situation économique et sociale est si détériorée que l’essence, le sucre, les engrais pour l’agriculture… manquent. La flambée des prix des produits de première nécessité est telle qu’il y a aujourd’hui risque de famine au Burundi.

Comment caractérisez-vous ce régime ?

Pour nous, au MSD (Mouvement pour la solidarité et la démocratie), nous disons que le régime du CNDD-FDD remplit les caractéristiques d’un régime fasciste. 

Il a une idéologie fondée sur l’identitaire. La caste au pouvoir prétend représenter la majorité ethnique hutue contre la minorité tutsie. En réalité la plupart des opposantEs assassinéEs sont hutuEs, et la paupérisation du peuple touche toutes les composantes de la nation burundaise sans exclusif. Comme tous les régimes fascistes, le CNDD-FDD a créé des milliers de miliciens illégaux (les Imbonerakuré) qui sont les yeux, les oreilles et le bras armé du parti unique. L’espace politique est verrouillé. En fait, nous sommes face un terrorisme d’État décomplexé : les défenseurEs des droits humains, les journalistes indépendants, les humanitaires et la plupart des dirigeantEs de l’opposition ont été forcé de s’exiler pour échapper à la mort. Comme le font tous les régimes de terreur, les opposantEs, même en exil, sont continuellement ­pourchassés et harcelés. 

Des condamnations à perpétuité arbitraires et surréalistes ont été prononcées contre des dirigeantEs de l’opposition en exil, des défenseurEs des droits humains, des humanitaires et des journalistes indépendants. Belliqueux, le régime du CNDD-FDD n’hésite pas à poursuivre les opposantEs dans les camps de réfugiéEs des pays voisins en violation des droits des réfugiéEs et de la souveraineté de ces pays. Ils kidnappent les réfugiéEs, les ramènent au Burundi où ils et elles sont affreusement torturés avant de les faire disparaître. C’est au vu de tout ce qui précède que nous pensons au MSD que, au Burundi, nous avons à faire un régime fasciste classique.

Peux-tu nous en dire plus de votre organisation le MSD ?

Le MSD, Mouvement pour la solidarité et la démocratie, est un mouvement politique de masse multi-ethnique qui se bat pour la sécurité physique, économique et la liberté pour tous les BurundaisEs. Nous sommes farouchement opposéEs aux sectarismes ethniques, régionaux et religieux. Nous sommes pour la parité entre les hommes et les femmes. Au Burundi, les membres du MSD qui n’ont pas été assassinéEs, qui ne sont pas en prison ou en exil, sont dans la clandestinité. Mais malgré la terreur du régime, notre mouvement est présent sur l’ensemble du territoire national. Le MSD a des sections dans tous les pays où se trouve la diaspora burundaise.

Malgré l’état de terreur, notre mouvement reste sur une ligne politique non violente. Nous sommes convaincus que la mobilisation de masse et les pressions internationales finiront par contraindre le CNDD-FDD à accepter les négociations inclusives en vue de créer les conditions favorables aux ­élections libres et transparentes.

Peux-tu nous parler de la situation des réfugiéEs burundais à Mayotte ?

Mayotte est juste une des possibilités pour fuir le Burundi après être passé par les pays voisins. Mais la campagne anti-­étrangerEs à Mayotte est devenue un véritable problème de sécurité physique pour tous les demandeurEs d’asile et en particulier les réfugiéEs burundaisEs membres du MSD. Que ce soit les réfugiéEs qui ont obtenu leur statut, que ce soit ceux qui sont en instance d’attente ou d’appel, ou celles et ceux dont la demande a été rejetée, ils et elles vivent tous la peur au ventre.

Il faut absolument que les autorités françaises comprennent que dans la situation actuelle au Burundi, expulser unE réfugiéE membre du MSD, ce n’est pas exagérer de dire que c’est le/la condamner à mort.

Que peut-on faire pour vous aider ?

Il faut informer les citoyenEs français ainsi que la communauté internationale de la tragédie en cours au Burundi. Le MSD lutte pour que les BurundaisEs puissent rentrer et vivre en paix dans leur pays mais dans l’état actuel de leur pays, ils doivent absolument être protégés. Face à la violence d’État inouïe au Burundi, défendre les réfugiéEs c’est aussi défendre notre humanité commune. En d’autres mots, protéger le droit d’asile en France est aussi important pour nous que pour vous.

Propos recueillis par François

Pour contacter le MSD :

msd.france@gmail.com

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