Publié le Mardi 2 janvier 2018 à 23h22.

Catalogne : Mariano Rajoy balayé lors des élections

Retour sur les élections catalanes du 21 décembre. Un article publié (en anglais) sur le site International Viewpoint.

Le grand perdant des élections régionales anticipées tenues en Catalogne le 21 décembre 2017 est le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy. Il avait destitué le gouvernement catalan démocratiquement élu et dissout le Parlement par le biais de l’article 155, puis convoqué une élection afin de casser la majorité favorable à l’indépendance et renforcer sa position. Il n’a atteint aucun de ces objectifs. 

Les indépendantistes majoritaires

Les partis indépendantistes maintiennent (avec une perte de deux sièges) une majorité absolue et le soutien au parti de Rajoy, le Partido Popular (PP), s’est effondré : il n’est plus qu’une force résiduelle pas loin de perdre sa représentation parlementaire. Il semble que le déclin du PP a pour origine la concurrence réelle qu’il subit désormais dans son propre camp.

Le camp indépendantiste connait une réorganisation, mais avec peu de différence globale en votes et en sièges. Il reste solide et n’a pas été handicapé par l’article 155, le déploiement de la police ou les emprisonnements. Mais la droite de ce camp a gagné du terrain sur la gauche, en particulier la CUP, qui a perdu la moitié de ses voix et 60 % de ses sièges. La CUP est une admirable organisation à bien des égards, mais depuis le début, elle a joué le rôle du petit frère du processus, sans aucune orientation vis-à-vis des secteurs de gauche qui ne sont pas favorables à l’indépendance. Ce travail de construire une passerelle de classe au-dessus des camps (même si le camp de l’indépendance est reconnu comme hégémonique) est à l’origine du résultat médiocre des gauches. L’ERC (Esquerra Republicana de Catalunya) a démontré un manque d’audace et en général, ses dirigeants sont apparus comme des personnes de faible niveau politique. À l’inverse, le parti du nationalisme catalan de droite, la convergence, maintenant appelée Junts Per Catalunya, qui a trouvé dans Puigdemont un habile politicien, a réussi à surmonter une situation de départ très difficile pour le PDeCAT (Partit Demòcrata Europeu Català). L’avenir du processus est incertain. Mais en prison ou pas, il semble clair que Puigdemont sera à nouveau le président de la Catalogne. Il est dommage que la droite ait conservé la direction de ce camp, mais en tout cas, elle n’est comparable en aucune façon à l’autre droite, celle du côté unioniste.

La gauche à la peine 

Ciudadanos a tout balayé dans le camp unioniste, absorbant le vote PP presque complètement, mais mordant aussi dans l’électorat de gauche, surtout dans la ceinture industrielle de Barcelone. Il est inquiétant qu’un parti néolibéral à 100 %, plus à droite que le PP sur certaines questions, puisse attirer autant de voix ouvrières. L’absence de la gauche dans de nombreux quartiers populaires est un facteur, mais le mouvement indépendantiste, en particulier sa composante la plus à gauche, n’a pas été en mesure de dialoguer avec celles et ceux qui canalisent leur rage sur le terrain national espagnol plutôt que sur le terrain social. Son chef, Albert Rivera, peut avoir un tremplin privilégié ici pour prendre une place au niveau de l’État espagnol.

En ce qui concerne En Comù et Podem, le résultat est mauvais, même si l’on n’espérait pas beaucoup plus. Mais les chiffres bruts disent que Catalunya en Comù (CeC) a obtenu 84 % de ses votes dans la province de Barcelone, mais seulement 9,5 % dans la capitale, Barcelone, où la maire Ada Colau appartient à cette coalition. L’erreur de se maintenir en permanence à équidistance entre les deux camps et le manque de préparation pour l’organisation du référendum du 1er octobre et les manifestations qui ont suivi ont pesé lourd. Pour une force de gauche, rester spectateur du plus important processus de mobilisation populaire depuis des années ne semble pas être la bonne recette pour gagner du soutien. Maintenant CeC devrait réfléchir à comment construire une référence organique qui soit effectivement implantée. Au niveau de l’État espagnol, nous espérons qu’il n’y aura pas de marche arrière quant à la défense de l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne, qui, après ce 21-D, continue d’apparaître comme la seule solution possible à la ­question catalane.

Raul Camargo