La proclamation de la République indépendante de Catalogne du 27 octobre a été exclusivement symbolique, puisqu’elle ne s’est traduite par aucun acte administratif ni aucune volonté d’exercer son autorité sur le territoire.
Il n’était pas possible de créer un État pour trois raisons fondamentales :
– La Generalitat manquait des moyens pour le mettre en place (ce qu’on appelle les « structures d’État »).
– Il était impossible d’éviter un conflit violent avec l’État espagnol, auquel a toujours été opposé le « procés » (contraction de processus souverainiste qui définit tout ce qui est lié au mouvement pour le droit à décider en Catalogne).
– On peut douter qu’il existe une majorité sociale ouvertement indépendantiste qui soit capable de maintenir un conflit ayant ces caractéristiques.
Faiblesse(s) du gouvernement catalan
Nous disposons d’assez d’informations pour interpréter les faits qui se sont déroulés récemment.
– Le référendum du 1er octobre s’est réalisé fondamentalement grâce à la société civile (Omnium, Assemblée nationale catalane, mais aussi les comités de défense du référendum de manière beaucoup plus décidée) et aux volontaires, malgré la passivité du Govern (gouvernement autonome catalan) et de ses fonctionnaires. Le Govern se serait contenté de dénoncer la répression si le référendum n’avait pas pu se dérouler.
– Le Govern était conscient depuis le début de l’impossibilité de mettre en pratique le mandat du 1er octobre, compte tenu du refus de négocier du gouvernement central et de l’impossibilité de résoudre le problème du pouvoir (vu que l’État est prêt à utiliser la violence jusqu’au bout).
– La proposition de Puigdemont le 26 octobre – ne pas mettre en place la DUI (déclaration unilatérale d’indépendance) de convoquer des élections ordinaires – a été contrariée non pas tant par l’apparente volonté du PP (Parti populaire) de maintenir l’application de l’article 155 que par la volonté d’éviter une fracture du bloc indépendantiste.
– Le Govern a évité d’envenimer la situation et n’a appelé à aucun plan de résistance pour défendre la République le 27 octobre. Il a préféré se mettre à l’abri de la répression sur le court terme et internationaliser le conflit en interpellant directement les États et institutions européennes, même s’il accepte le défi électoral de Rajoy.
Crise politique durable
Malgré la confusion créée par le gouvernement catalan « en exil », la démoralisation qu’a provoquée le manque d’appels concrets à la mobilisation et le fait que le procureur général Maza se soit aligné sur la stratégie, par ailleurs audacieuse, de Rajoy, la crise politique ouverte dans l’État espagnol reste d’une grande importance pour plusieurs raisons :
– L’article 155 crée un précédent antidémocratique très grave, qui peut être généralisé contre n’importe quelle communauté autonome qui ne plaît pas au tripartisme monarchique (PP, Ciudadanos, PSOE), et en particulier au parti le plus corrompu d’Europe (le PP), avec tout ce que cela implique en termes de risque de régression politique.
– La formule gouvernementale du tripartisme monarchique place, à moyen et long terme, le PSOE sur la voie d’un déclin historique irréversible, après qu’il a contribué à ce que Rajoy se maintienne en minorité à la présidence, et qu’il l’a aidé à se tranformer en président de facto de la Généralité tout en étant la force la plus faible du Parlement de Catalogne, et n’a pas de pièce de rechange pour éviter l’érosion de tout le système.
– La monarchie est ressortie affaiblie, jouant un rôle clairement autoritaire et menaçant, très loin du rôle de modérateur et d’arbitre que lui attribue la Constitution.
C’est pour cela qu’il faut maintenir un soutien au droit à l’autodétermination et une lutte pour ouvrir un processus constituant en Catalogne, qui puisse se généraliser au reste de l’État et qui réaffirme la nécessité de rompre avec le régime monarchique de 1978 qui, comme l’a démontré la crise catalane, n’est rien d’autre que le régime franquiste réformé.
Andreu Coll (Anticapitalistes, section catalane de la IVe Internationale)