Pas sûr que l’élection présidentielle qui vient de se dérouler permette de tourner la page de trois ans de violence entre communautés, consécutive au renversement du dictateur Bozizé par la Séléka qui a dû laisser le pouvoir à un gouvernement de transition.
L’élection présidentielle s’est mieux déroulée que celle du référendum constitutionnel qui a eu lieu quelques semaines plus tôt et qui a été émaillée de violences. Cette nouvelle Constitution adoptée par 93 % des voix, mais avec un taux de participation de 38 %, autorise seulement un second mandat présidentiel et insiste sur l’interdiction des milices armées et des prises de pouvoir par la force, vues comme des crimes imprescriptibles.
Trente candidats
Pour les présidentielles, pas moins de trente candidats se sont présentés après que l’Autorité nationale des élections eut écarté 14 candidatures dont celle de Bozizé, l’ancien dictateur déchu, sous le coup d’une sanction des Nations unies pour son rôle dans les violences qu’a connues le pays depuis ces trois dernières années. L’annulation des candidatures de Bozizé et de Patrice-Edouard Ngaïssona, le dirigeant des anti-balaka, a suscité quelques tensions dans la capitale Bangui parmi leurs fidèles.
Sur les trente candidats, trois personnalités se détachent au vu des premiers résultats partiels. Faustin Archange Touadéra est arrivé en tête dans la région de Bangui. Ancien recteur de l’université, ancien Premier ministre de Bozizé, il fait partie du sérail de l’ancien dictateur. Dans son annonce de candidature, il déclarait : « ma candidature et celle de François Bozizé ne peuvent être concurrentielles. Je me retirerai si jamais l’ancien président venait à être candidat aux prochaines élections » 1. Le second est Anicet-Georges Dologuélé, ancien ministre de Patassé. Il a bénéficié du soutien du Kwa Na Kwa (KNK), le parti politique de Bozizé. Si on le dit efficace, il est surtout connu pour être corrompu. Enfin, arrivé en troisième position, Désiré Kolingba, fils d’un ancien dictateur, ancien de la Banque mondiale, s’était déjà présenté pour être président du gouvernement de transition.
Sombres perspectives
Ces élections risquent fort d’être une réussite sans lendemain. En effet quel que soit le résultat, la Centrafrique restera un pays ingouvernable, avec un État en lambeaux dans la capitale et quasiment inexistant dans le reste du pays en proie aux différentes milices armées. Quant aux réfugiés et déplacés, ils représentent toujours près de 20 % de la population. Un terrible constat, en dépit du satisfecit du gouvernement français, que, deux ans après son lancement, l’opération militaire Sangaris n’a pas réussi son double objectif de protection des populations civiles et de désarmement des milices.
La Séléka s’est disloquée en une multitude de milices armées qui contrôlent le nord du pays, les anti-balaka règnent, eux, sur le sud, et l’armée du seigneur, connu sous l’acronyme anglais de LRA, une milice d’origine ougandaise dirigée par Joseph Kony, écume la région du sud-est du pays.
Politique française de court terme...
La politique de la France vise plus à créer une normalité largement factice en Centrafrique en écartant les risques de partition du pays et de coup d’État. Avec l’aide du Tchad, elle étouffe les velléités de Noureddine Adam, un des dirigeants de la Séléka, de scissionner le pays, et a aussi déjoué la tentative de prise de pouvoir en bloquant à Sibut ses milices qui descendaient sur Bangui en octobre. Elle s’est aussi opposée aux accords de Nairobi, conclus en avril entre la Séléka et une grande partie des anti-balaka, qui accordaient une immunité aux deux fauteurs de guerre, Michel Djotodia et François Bozizé, et leur permettaient d’entrer à nouveau dans le jeu politique avec un risque de déstabilisation pour le pays.
Cette politique de court terme vise simplement à tenter de se désengager militairement sans apporter une aide au règlement des problèmes de fond largement hérités de la politique française de soutien aux différentes dictatures les plus corrompues pendant des décennies. Ainsi, les réponses à la misère, à l’insécurité alimentaire, à l’absence de soins dont souffrent les populations restent dramatiquement absentes.
- 1. http ://rjdh.org/faustin-archange-touadera-se-desolidarise-du-knk-et-devient-candidat-independant-a-la-presidentiell