Publié le Mercredi 18 décembre 2013 à 19h53.

Centrafrique : union sacrée

Mardi 9 décembre, aucune voix ne s’est exprimée pour condamner l’intervention militaire française en Centrafrique lors du débat parlementaire sans vote.«Le Parti socialiste observe que les violences commises aujourd’hui à Bangui justifient l’urgence d’agir pour prévenir les dangers menaçant la région, et dont les conséquences potentielles concernent autant l’Afrique que l’Europe », écrivent Harlem Désir et Cambadélis. EéLV a entonné la même rengaine officielle. « C’est un oui, mais un oui prudent » a cru bon cependant de rajouter le coprésident du groupe EÉLV François de Rugy. À droite, François Fillon  soutient « pleinement l’intervention en Centrafrique parce qu’il y a une urgence humanitaire et parce que nous avons le mandat des Nations unies ». « Je partage le point de vue de François Fillon », a renchéri Alain Juppé alors que Borloo, président de l’UDI, a apporté « un soutien sans réserve ».Le Front national a tenu à joindre sa voix à ce concert unanime : « La dégradation de la situation civile et sécuritaire en Centrafrique justifie plus que jamais l’intervention militaire de la France sous l’égide de l’ONU. Cette intervention nécessaire d’un point de vue humanitaire est également conforme aux intérêts de la France dans la région. » Cette inédite solidarité avec le gouvernement est un geste visant à prouver que le FN est un parti responsable apte à accéder à la gestion des affaires.

Soutien critique... ou sans !À gauche de la majorité parlementaire, André Chassaigne pour le PCF a certes formulé des critiques de la Françafrique, des doutes et des réserves, mais pour au final soutenir : « La France n’est pas étrangère à la situation chaotique que connaît ce pays. Elle porte une lourde responsabilité historique dans la tragédie centrafricaine. Elle n’est donc pas la plus qualifiée pour intervenir. C’est un paramètre que nous ne pouvons ignorer même si, je le dis clairement, il n’est pas question de tergiverser pour la protection des populations civiles, premières victimes des violences sanglantes qui déchirent ce pays. » Il dénonce le « Sommet pour la paix et la sécurité en Afrique », « avant tout une offensive diplomatique pour la sauvegarde des intérêts de la France en Afrique » et exprime « un réel malaise face à cette intervention »... Mais pas au point de se prononcer contre ! Et au final il se rallie, toute honte bue, non sans contorsion : « Nous sommes attachés au multilatéralisme et donc favorables au recours à une force d’interposition sous l’égide de l’ONU. Mais une force qui soit multilatérale. Cela suppose que la France ne soit pas la seule à être impliquée, sur le terrain, aux côtés de la Misca. »La position du Parti de gauche est, elle, sans faux détours, comme l’écrit François Delapierre, son secrétaire national : « A la différence de précédentes opérations militaires dans lesquelles la France a été hélas engagée, celle-ci s’inscrit pleinement dans le cadre du droit international puisque le conseil de sécurité de l’ONU a donné unanimement le mandat à notre pays d’appuyer la force africaine de la Misca chargée de protéger les civils et "stabiliser" le pays.[...] L’alimentation énergétique de notre pays dépend de cette ressource (l’uranium, Ndlr) que notre sous-sol ne produit guère. La Centrafrique dispose du gisement de Bakuma et de frontières stratégiques avec des voisins dotés du précieux minerai. Tant que le nucléaire restera la première source de production d’électricité dans notre pays, la France devra contrôler des gouvernements qui détiennent la clé des mines africaines. ». N’est-ce pas là un point de vue impérialiste, la légitimation du droit d’une nation dominante d’imposer sa loi, y compris pas les armes ? Delapierre dit cyniquement les vraies raisons de l’intervention… pour les justifier et les prendre à son compte. Vous avez dit opposition ?

Yvan Lemaitre