L’article que nous publions a été écrit le 17 juillet 2009. Cette grève dans l’usine de SSangyong Motors possède, de fait, une importance internationale.
En effet, elle exprime le refus des travailleurs d’accepter les licenciements que les propriétaires des grands groupes automobiles justifient en utilisant la situation de crise du secteur. Les travailleurs de SSangyong Motors avaient pourtant déjà accepté des baisses de salaires, des réductions de primes, etc. Mais, dès le mois de mai 2009, pour quelque 2500 d’entre eux se posait la question du maintien de leur poste de travail. Alors, ils ont dit NON aux licenciements.
Cette pratique de réduction de l’emploi est à l’œuvre même dans le groupe sud-coréen KIA-Hyundai. Il connaît, pourtant, une contraction très limitée de sa production, comparée aux autres groupes transnationaux. Il ouvre d’ailleurs une usine aux Etats-Unis pour y accroître sa part de marché. Kia-Hyundai développe une politique brutale de «restructuration» et introduit une «flexibilisation» encore accrue de l’usage de sa main-d’œuvre. Voilà une dimension du processus de concentration et centralisation au sein de la branche automobile ; elle s’accompagne d’une vaste destruction de capitaux (fermetures d’usines de montage, d’équipementiers, licenciements…).
Depuis le 17 juillet 2009, la tension est montée d’un cran chez SSangyong Motors. Le lundi 20 juillet, les forces de police – au nombre de 3000, avec trente véhicules (canons à eau, semi-blindés) – sont entrés dans l’usine. Elles ont entouré les ateliers de peinture occupés par les travailleurs. La direction leur a ordonné de reprendre le travail. Ils ont refusé. La police était accompagnée de voyous payés par le patronat. Une fois de plus la violence la plus directe s’est exercée contre les grévistes. Les responsables syndicaux, depuis des mois, subissent des menaces et des actions en justice. Cela a conduit la femme d’un responsable, mère de deux enfants, au suicide, sous l’effet du stress et des provocations de la direction ainsi que de la police.
Face à ces violences policières, le 22 juillet 2009, la KCTU (Confédération coréenne des syndicats) a organisé une grève générale de solidarité. Elle a duré trois jours. L’affrontement en Corée du Sud porte aussi bien sur l’emploi que sur les violences policières et la politique de soutien direct aux grands groupes oligopolistiques (les chaebols). Ils sont soutenus avec ardeur par le gouvernement du président Lee Myung Bak. Les chaebols auront à nouveau un contrôle direct – mis partiellement en question après la crise de 1997 – sur les grandes banques. Cela grâce à la législation mise en place par le nouveau gouvernement.
La grève générale s’est terminée le 24 juillet. La lutte des ouvriers de SSangyong Motors à Pyeongtaek continue. Elle est affaiblie. Mais la crise sociale et politique n’a pas pris fin en Corée du Sud
Par la rédaction d'Alencontre.org
La grève de SSangyong Motors à Pyeongtaek, en Corée du Sud, près de Séoul, est entrée dans sa huitième semaine, et la situation des grévistes est de plus en plus difficile.
Rappelons la situation plus générale: Ssangyong Motors est détenue à 51% par la Shanghai Automotive Industry Corporation, une entreprise chinoise. En février 2009, la compagnie a demandé une mise en faillite, proposant une restructuration et l'usine de Pyeongtaek comme collatéral (garantie) pour de nouveaux prêts pour sortir de la faillite. La cour (tribunal des faillites) a approuvé le plan de faillite, en attendant des licenciements en nombre suffisant pour que la compagnie devienne à nouveau rentable.
Une série d'actions ont été menées [par les travailleurs] pendant le printemps en prévision des licenciements. La grève actuelle a été déclenchée le 27 mai 2009, lorsque l'entreprise a annoncé les licenciements et les mises à la retraite forcée de 1700 travailleurs sur 7000, ainsi que le licenciement de 300 travailleurs temporaires. Les travailleurs devant être licenciés ont immédiatement occupé l'usine en revendiquant qu'il n'y ait ni licenciement, ni travail temporaire ni de sous-traitance. La KMWU (Korean Metal Workers Union - syndicat coréen des métallos) a soutenu l'occupation, mais en essayant de canaliser les négociations de manière à ce qu'elles portent essentiellement sur la question des licenciements.
A la mi-juin, environ 1'000 travailleurs poursuivaient encore l'occupation. Leurs épouses et familles leur apportaient de la nourriture. En partie parce que le gouvernement de la droite dure de Lee Myung-Bak [Grand parti national] subissait une crise politique et que le moment était peu favorable à une riposte immédiate par la police et des casseurs, le gouvernement et la firme n'ont pas réagi tout de suite. Mais deux semaines plus tard ils se avaient suffisamment repris de l'assurance pour lancer l'offensive. Les travailleurs, pour leur part, s'étaient armés de pieds-de-biche et de cocktails Molotov.
Les 26 et 27 juin 2009, le gouvernement et le patron ont lancé une attaque en règle: des voyous (des casseurs) payés, des briseurs de grève recrutés parmi les travailleurs non licenciés et la police anti-émeute ont tenté de pénétrer dans l'usine. Après de violents combats durant lesquels beaucoup de gens ont été blessés, ils ont pris le bâtiment principal.
Comme ils l'avaient déjà prévu dans leur plan de défense, les travailleurs qui occupaient l'usine se sont repliés dans le secteur de la peinture [peinture des carrosseries]. Ce plan se fondait sur l'idée que la police ne tirerait pas des bombes lacrymogènes sur ce secteur hautement inflammable.
A Séoul, en janvier 2009, cinq personnes étaient mortes dans un autre incendie, déclenché au cours d'une confrontation avec la police, ce qui a entraîné une vague de protestations qui a duré plusieurs semaines.
Le lendemain, l'administration de Ssangyong Motors a publié un communiqué déclarant qu'il y avait eu assez de violence, mais en réalité c'était suite à la résistance tenace des travailleurs; les voyous et les policiers ont reçu l'ordre de se retirer. La firme a demandé au gouvernement de s'impliquer directement dans les négociations. L'eau a cependant été coupée dans l'usine à la fin juin.
Suite à une décision de justice, les forces de répression sont à nouveau intervenues le 11 juillet 2099. La police anti-émeute s'est emparée de tout le territoire de l'usine à l'exception du secteur de la peinture, encerclant l'ensemble de l'usine.
L'assaut des 26-27 juin visait à isoler la lutte des travailleurs de SSangyong et à briser la grève. Pour tenter de créer un mouvement de soutien plus large les travailleurs ont alors organisé une série d'actions de solidarité à l'extérieur de l'usine.
C'est ainsi que des associations de proches ont mené une campagne d’information et de solidarité au centre de Séoul et dans la région de Pyeongtaek. Le KMWU a organisé une grève générale de quatre heures durant laquelle les métallos d'usines de la région se sont réunis devant les portails de l'usine de SSangyong.
Le 4 et le 11 juillet, la KCTU (Korean Confederation of Trade Unions - Confédération coréenne des syndicats) a organisé des rassemblements syndicaux au niveau national en solidarité avec la lutte des travailleurs du SSangyong. Mais ces actions n'ont pas attiré beaucoup de monde. La direction du KMWU hésitait à lancer une grève générale afin de riposter aux attaques lancées contre les travailleurs de l'usine. Des militants pensent que les directions du KMWU et du KCTU sont davantage préoccupées par les prochaines élections syndicales. (927 militants ont également participé à une grève de la faim d'une journée au centre de Séoul le 11 juillet).
Selon mon expérience en Corée durant ces quatre dernières années, il s'agit-là d'actions plutôt rituelles, qui ont rarement une influence sur le résultat d'une lutte).
Finalement, le 16 juillet 2009, 3'000 membres du KMWU se sont rassemblés pour soutenir la grève devant l'hôtel de ville de Pyeongtaek. Lorsqu'ils ont tenté de rejoindre l'usine après le rassemblement, ils ont été bloqués par la police et 82 travailleurs ont été arrêtés sur le champ.
Dans l'ensemble il est peu probable que la lutte s'étende à d'autres usines. Les militants sur place pensent que même si le KMWU appelait à une grève générale, seuls quelques districts le suivraient. Les travailleurs du constructeur automobile Hyundai se trouvent eux-mêmes au milieu de négociations salariales. Des usines de fournisseurs dans la région ont déjà subi des restructurations et il est peu probable qu'ils se mobilisent. (Traduction A l'encontre)
Loren Goldner est un militant-intellectuel engagé. Il plaide pour un usage actualisé des catégories marxistes. On peut lire un recueil de ses articles qui ont été publiés dans deux exemplaires de la revue Ni patrie, ni frontière, en octobre et décembre 2008. Il réside en Corée du Sud.