La crise de l’Europe capitaliste ne cesse de s’approfondir, et vient de connaître un nouvel épisode dramatique à Chypre.Incapable de renflouer par lui-même ses banques menacées de faillite, le gouvernement chypriote avait quémandé l’aide de la troïka qui ne consentait à prêter 10 milliards d’euros que si l’État chypriote apportait lui-même 5,8milliards d’euros en plus. Une somme énorme : le PIB de Chypre ne dépasse pas 18milliards ! Les dirigeants de l’Union européenne (dont le ministre français Moscovici) et du FMI ont voulu imposer au peuple chypriote une mesure inédite : prendre directement l’argent sur les comptes bancaires chypriotes, en taxant tous les dépôts.La population de Chypre est descendue massivement dans la rue, et pas un seul député n’a osé voter pour ce « plan de sauvetage ». Les sacro-saints marchés financiers se sont affolés. La crise est profonde, puisqu’un petit pays représentant 0,2 % de la richesse de la zone euro peut menacer de déstabiliser toute l’Europe. Les dirigeants européens sont des affameurs, et des apprentis sorciers qui ne savent pas où ils vont…
Drôle de « plan de sauvetage » !Une nouvelle « négociation », entre la troïka, les ministres européens et le président chypriote, a accouché d’un nouveau plan. Le secteur bancaire chypriote est mis en faillite et restructuré, les dépôts de plus de 100 000 euros subissant une décote au-delà de 30 %. Du coup, Moscovici a osé prétendre qu’il « n’est pas l’étrangleur » du peuple chypriote, que ces mesures frapperont les actionnaires des banques et les riches Russes qui utilisaient Chypre comme un paradis fiscal et que « l’économie-casino est fermée ».Ceux qui profitaient du paradis fiscal chypriote n’auraient pas pu retirer à temps une partie de leurs capitaux ? La presse économique fait pourtant état de centaines de millions d’euros « siphonnés » des gros comptes des non-résidents… On attend toujours la levée du secret bancaire. Quant aux filiales des banques étrangères (BNP Paribas, Crédit agricole…), elles seront épargnées, car les représentants de l’UE ont fait enlever du plan la taxe, initialement prévue, de 4 % sur leurs dépôts. Et rien n’est prévu pour faire payer les créanciers bancaires des banques chypriotes, notamment les grandes banques allemandes et françaises.
Empêcher la contagion…La mise en faillite du système bancaire va entraîner une récession brutale, des faillites en chaîne, d’autant plus que le gouvernement ne recevra ses 10 milliards d’aide (de prêt) qu’en échange d’une baisse massive des dépenses publiques, de privatisations… Des économistes envisagent une baisse rapide du PIB pouvant aller de 5 à 20 %. Autrement dit, les dirigeants, notamment français et allemands, viennent d’imposer à Chypre ce qu’ils se vantent d’avoir épargné à l’Europe : une dépression de type 1929.La petite économie-casino chypriote sera (peut-être) fermée, mais pour permettre à la grande économie-casino, le capitalisme financier européen, de continuer sa course folle. L’économie réelle de Chypre, elle, est à terre. Sauver les Chypriotes de la misère ne pouvait passer que par la socialisation des banques sous le contrôle des citoyens, l’annulation de la dette publique, un service public du crédit capable d’investir dans l’économie réelle de façon vraiment utile. En tout cas le drame de Chypre nous enseigne au moins deux choses : les dirigeants européens sont capables de tout envisager pour nous faire payer la crise… et qu'il est donc possible de prendre l’argent des riches directement sur leurs comptes en banque. Question de volonté politique.Yann Cézard