Près de cent jours après le début de l’offensive sur la bande de Gaza qui a fait au moins 24 000 morts, la Cour internationale de justice (CIJ) tenait audience les 11 et 12 janvier sur la demande de mesures provisoires de l’Afrique du Sud contre Israël, accusé non seulement de ne pas avoir empêché mais aussi d’avoir commis un génocide contre les PalestinienNEs.
Dans un exposé minutieux de trois heures, sur lequel ont fait l’impasse la plupart des médias français, la délégation sud-africaine a détaillé les actes matériels et intentionnels constitutifs du génocide en cours et démontré l’intention manifeste de l’État israélien de détruire les infrastructures nécessaires à des conditions de vie dignes pour les PalestinienNEs dans l’ensemble des territoires occupés, resituant le projet génocidaire israélien dans le continuum de la violence coloniale, de la Nakba et du système d’apartheid.
Affichant toute l’arrogance de l’impunité du pouvoir colonial, l’équipe de défense n’a même pas cherché à réfuter les discours à visées génocidaires et s’est bornée à invoquer son droit à la légitime défense, en réponse invariablement aux actes commis par « le Hamas » — quand bien même ce droit est inopérant dans un contexte d’occupation — ainsi qu’à contester la compétence de la CIJ.
Si l’on peut espérer que l’organe judiciaire de l’ONU sera aussi prompt à protéger les PalestinienNEs qu’il l’a fait pour les UkrainienNEs en 2022, la charge symbolique de la réappropriation d’un instrument de l’impérialisme par un État qui connaissait il y a encore trente ans un régime raciste d’apartheid (d’ailleurs soutenu par le jeune État sioniste) a déjà marqué les esprits de celles et ceux qui luttent aux côtés du peuple palestinien.
Comme les PalestiniennEs de Ramallah qui se sont rassemblés au pied de la statue de Mandela, ce sont les drapeaux sud-africains qui étaient de sortie lors de la journée de mobilisation internationale du 13 janvier.
En mettant sur le banc des accusés la responsabilité complice des États impérialistes, l’Afrique du Sud a non seulement démontré l’imposture de la supériorité morale que ceux-ci prétendent tirer de leur « humanisme ». Elle a surtout montré la nécessité de l’internationalisme et de la lutte anticoloniale. Et c’est bien la voie à suivre, seule à même de pouvoir faire pression sur Israël.