Dimanche 7 novembre, pour la première fois depuis vingt ans, les Birmans étaient appelés aux urnes pour élire les représentants de trois assemblées (nationale, du peuple et régionale). Les dernières élections en 1990 avaient été remportées haut la main par la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), parti formé deux ans plus tôt par l’opposante birmane Aung San Suu Kyi. Mais la junte militaire au pouvoir avait refusé d’en reconnaître le résultat. Ces nouvelles élections ne constituent malheureusement pas un transfert de pouvoir vers un gouvernement civil et le retour à la démocratie. Le Conseil d’État pour la paix et le développement (SPDC – nom officiel de la junte) a tout mis en œuvre pour remporter les élections et conserver le pouvoir. En premier lieu, il a fait voter une nouvelle Constitution en 2008 qui assure aux militaires 25 % des sièges dans les Assemblées nationale et du peuple.Pour se présenter au suffrage universel, chaque candidat devait s’acquitter d’environ 500 dollars non recouvrables (un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté). Seuls deux partis proches du gouvernement, le Parti de l’union pour le développement et la solidarité (USDP) dirigé par le Premier ministre Thein Sein et le Parti de l’unité nationale (NUP – anciennement Parti du programme socialiste de Birmanie fondé par le dictateur Ne Win, en 1974) étaient en mesure de se présenter à l’échelle nationale. À eux deux, ils ont présenté trois fois plus de candidats que les 35 autres partis réunis. Cela leur garantit une large majorité dans les différentes assemblées. En effet, selon le système électoral à un tour, le vainqueur est le candidat qui obtient le plus de suffrages, indépendamment du taux de participation et, dans les circonscriptions où il n’y a qu’un candidat, celui-ci est déclaré élu sans que des élections soient tenues. Parmi les partis d’opposition, seuls trois avaient les moyens de se présenter dans un nombre non négligeable de circonscriptions : le Parti démocratique des nationalités Shan, le Parti démocratique dirigé par l’opposant Thu Wai et la Force démocratique nationale. Ces élections ont aussi vu un regain de tensions avec des groupes ethniques (un tiers de la population est non birmane). Le 16 septembre, la commission électorale annonçait que les élections ne seraient pas tenues dans plus de 3 400 villages contrôlés par des groupes ethniques représentant 1,5 million d’électeurs. Les résultats officiels des élections ne seront vraisemblablement connus qu’en milieu de semaine, mais personne ne pense sérieusement que ces élections ni justes ni libres apporteront des changements significatifs dans les mois à venir. Au niveau international, certains États voudraient faire croire que l’élection de parlementaires permettra des changements progressifs vers la démocratie. Ils verraient d’un bon œil la fin des sanctions et la possibilité d’investir dans le pays. Mais la junte militaire va continuer de faire tourner l’économie à son propre profit et au détriment de la population birmane dans son ensemble même après la mise en place d’un gouvernement « civil ». Le mouvement pro-démocratie birman est resté divisé par la question de savoir s’il fallait boycotter ou non les élections quand il ne fait aucun doute que le grand vainqueur sera encore la junte au pouvoir.Danielle Sabai