Le « succès sanitaire » allemand du printemps est un lointain souvenir. Le confinement partiel en place depuis quelques semaines a des effets limités : l’explosion de nouveaux cas a été freinée, mais le pays enregistre encore des chiffres records, 20 000 cas par jour depuis bientôt deux semaines. Pour la première fois, les hôpitaux risquent d’être débordés à grande échelle.
Les grandes entreprises sont restées ouvertes, comme en France. Les patrons n’ont en effet aucune envie de réfréner leurs appétits de profits. Comme ailleurs, ils se sont dotés dès le printemps des armes nécessaires pour faire payer la crise aux travailleurEs. Plan de relance de plusieurs centaines de milliards, facilitation du chômage partiel, augmentation du temps de travail, restriction des droits syndicaux…
Les syndicats, IG Metall (métallurgie) en tête, s’étaient empressés de rallier l’union sacrée en acceptant de reporter les négociations de branche. Des négociations provisoires prévoyaient parfois de renoncer à des augmentations de salaires contre des promesses de maintien de l’emploi. Promesses de patrons, méfiance…
Le come-back de la grève
Depuis l’automne, les annonces de licenciements pleuvent, surtout dans la métallurgie où 300 000 emplois seraient menacés. Face à cela les directions des fédérations syndicales Ver.di (pour les services) et IG Metall se sont senties obligées de sortir timidement les griffes. Pendant les négociations de branche des services publics, une volonté hors norme a poussé Ver.di à appeler à des grèves et à multiplier les actions et débrayages, certes soigneusement éparpillés par site et par secteur. Mais la presse bourgeoise a comme d’habitude dénoncé la « trahison », pointant l’irresponsabilité d’une grève en pleine pandémie : une campagne hypocrite qui n’a pas très bien marché, et certainement pas chez les « héros » soignants.
Dans les services publics, l’accord conclu au terme du mouvement est bien loin des revendications des salariéEs mobilisés : une augmentation de 4 % (échelonnée par secteurs, certains ne recevant presque rien), sur une durée de 28 mois… Pas de quoi compenser l’inflation, d’autant que son entrée en vigueur est prévue seulement en mars – les salaires restant gelés jusque-là.
L’accord implique qu’aucune renégociation ne soit discutée pendant ce long délai de 28 mois, mais aussi que toute mobilisation pour contester l’accord sera légalement proscrite. L’État patron des services publics agit en modèle de tous les patrons et souhaite assurer le calme social, le temps de « gérer » la crise à sa manière.
Colère sourde du monde du travail
Patronat et presse ont encore hurlé quand la semaine dernière, IG Metall a cessé sa « retraite stratégique » décidée au printemps. « L’union sacrée semble avoir vécu », écrivent les Échos1. Le divorce, vraiment ? IG Metall revendique 4 % d’augmentation pour l’an prochain. Mais, attention ! Il s’agit d’une moyenne : aux entreprises de répartir les augmentations, selon que les secteurs seraient plus ou moins touchés par la crise. En cas de chômage partiel, il pourrait même y avoir des différences à l’intérieur d’une même entreprise : des ouvrierEs seraient dédommagés, tandis que d’autres le seraient moins ! Au gré du patron… et avec la bénédiction syndicale !
Tout cela accompagné de plans alternatifs pour la transition écologique, avec des fonds alimentés par des cotisations syndicales, ainsi que d’une « bad bank » pour sauver les secteurs en crise, une initiative saluée par les constructeurs automobiles et les fédérations patronales2.
Étrange divorce, en effet, si divorce il y a... Mais force est néanmoins de constater qu’une colère sourde du monde du travail a poussé les directions syndicales à sortir du sommeil profond qui avait marqué le printemps et l’été.
- 1. Ninon Renaud, « IG Metall met la pression sur le patronat », les Échos, 9 novembre 2020, en ligne sur https://www.lesechos.fr/…
- 2. Thomas Schnee, « IG Metall invente une «bad bank» pour sauver l’automobile », Alternatives économiques, 10 novembre 2020, en ligne sur https://www.alternatives…