Publié le Samedi 13 février 2010 à 12h17.

Egypte/Israël/Palestine – Le mur de la honte

Dans le conflit israélo-palestinien, on oublie parfois à quel point les pays arabes jouent un rôle déterminant, ce qui est le cas de l’Égypte. Durant le siège de Gaza et l’offensive de l’armée israélienne de l’année dernière, l’armée égyptienne a été maintes fois déployée pour interdire l’accès à tout produit de première nécessité : médicaments, nourriture, et même électricité. Nous avons également pu constater le rôle actif qu’a joué le régime de Moubarak pour empêcher la tenue de la marche internationale pour Gaza.

Une fois encore, l’Etat égyptien ne lésine pas sur les moyens financiers pour étouffer Gaza. En ce moment, sur la bordure de Rafah, un mur souterrain est en construction pour empêcher et détruire tout commerce. En effet, depuis le blocus de 2007 imposé par Israël, le principal moyen qu’ont trouvé les Gazaouis pour survivre a été de creuser des tunnels. Or, le nouveau mur souterrain prévoit la mise en place d’une série de panneaux en métal de 13,8 km de long, équipés de capteurs pour détecter tout mouvement. Il est intéressant de noter que les Etats-unis apportent une aide logistique au niveau de la détection, et ce depuis qu’un contrôle farouche est exercé à la frontière de Rafah. Enfin, pour empêcher toute tentative de creuser en dessous de ce mur, il est prévu de noyer le sous-sol en acheminant de l’eau de mer à travers la frontière, à 30 mètres sous le sol. Cette mesure va aussi à l’encontre des intérêts de la population locale égyptienne, car non seulement ils ne profiteront plus du commerce souterrain, mais en plus les terres, gâchées par l’eau salée, ne seront plus cultivables.

Dans un premier temps, après avoir eu vent de l’information, des officiels du Hamas ont contacté des responsables égyptiens sur le sujet, et tenté de négocier. Ces derniers ont d’abord nié les faits. Ensuite, par la voix du ministre des affaires étrangères, on apprend que pour des raisons de «sécurité nationale», un mur a été construit. En plus de jouer la carte de la lutte anti-terroriste et anti-Hamas, les arguments invoqués reposent sur une vulgate nationaliste, dernier rempart pour empêcher que le régime explose, et ultime argument pour justifier sa collaboration avec Israël.

La région, pas seulement la Palestine, est en état de guerre, guerre dans laquelle les acteurs sont épisodiquement sommés de prendre position. Le mur souterrain est symptomatique d’une volonté de contenir à tout prix de contenir le conflit dans le cadre des frontières israélo-palestiniennes. Dans un entrevue accordée à la télévision égyptienne, Hussam Sweilem, général à la retraite, explique de manière très intéressante les enjeux frontaliers, à savoir que l’Égypte ne doit en aucun cas servir de base arrière pour la résistance palestinienne, et que l’Etat ne souhaite nullement accueillir des camps de réfugiés palestiniens en cas de défaite, ni subir une annexion du Sinaï par Israël. Autre danger qui pointe : que se passerait-il si le mur tombait pour de bon ? Cela entraînerait peut-être une déstabilisation du régime, alors jugé incapable par Israël et les Etats-Unis.

Mais il persiste qu’avec un tel projet de mur invincible, la situation risque d’être fatalement plus explosive...par dessus la frontière. Et le quotidien sera de plus en plus critique pour les Gazaouis. Derrière le caractère urgent de la situation humanitaire demeure un vrai problème politique. Sa non-résolution et son pourrissement ne peuvent qu’entraîner des conséquences plus graves pour la population. Les perspectives d’amélioration du sort des Gazaouis sont limitées par le rôle des puissances régionales, qui collaborent pour la plupart avec les Etats impérialistes que sont Israël et les Etats-Unis. L’unique possibilité qui se trame demeure dans la capacité de mobiliser la population en Égypte et dans le Moyen-Orient. Même si les mouvements sociaux ont subi de durs revers ces derniers temps, une manifestation à été organisée au Caire fin décembre durant la visite de Netanyahou, devant le Syndicat de la presse pour dénoncer la construction du mur, et soutenir les marcheurs pour Gaza.

Face à Moubarak qui joue sur le repli nationaliste, nous devons dénoncer un régime qui d’un côté finance des projets meurtriers contre les Palestiniens et de l’autre affame sa population, comme ça l’a été durant les émeutes qui découlèrent de la pénurie de blé en 2008. De même, nous devons soutenir et amplifier les manifestations devant l’ambassade d’Egypte, répondre aux slogans déjà scandés en France contre Moubarak, sans oublier de soutenir la dure lutte que mènent nos camarades dans la région. Pour la prochaine manifestation pour Gaza qui aura lieu le 6 février, ne l’oublions pas.

Sellouma