Ils sont la colonne vertébrale des syndicats dans l’entreprise. On trouve souvent des comités d’entreprise dans les entreprises traditionnelles des secteurs de la métallurgie, de la chimie et de l’énergie, mais la situation est déjà bien pire dans le secteur des services, et les start-up n’ont pratiquement aucune représentation des intérêts.
« Voter pour des comités d’entreprise forts - plus de démocratie dans l’entreprise ! », c’est sous ce slogan que les organisations sociales-démocrates appellent désormais à participer. En effet, selon l’institut WSI, proche des syndicats, seul un dixième des entreprises dispose d’un comité d’entreprise et, pour 28 000 entreprises, 180 000 mandats sont attribués. C’est à peu près le même nombre de mandats que dans la politique communale. Pourtant, les prochaines élections des comités d’entreprise ne jouent pratiquement aucun rôle dans les médias.
Les exceptions confirment la règle : en février, l’élection du comité d’entreprise de la filiale du groupe automobile américain Tesla dans le Brandebourg a fait la une des grands médias. Le propriétaire du groupe, Elon Musk, est tout de même connu pour être un adversaire des syndicats. C’est pourquoi le syndicat IG Metall a lui aussi qualifié ce choix de « signe positif ». Mais des réserves ont également été formulées, car les élections ne se sont pas tenues pendant la période de rotation mais, de façon prématurée, le 28 février. Et cette date avancée a exclu du vote les travailleurs/ses de la production, dont beaucoup n’ont même pas été une seule fois embauchés.
SeulEs les employéEs de la direction qui travaillaient chez Tesla depuis au moins six mois ont pu déposer leur bulletin dans l’urne. Un jour plus tard, le 1er mars, au moins quelques employéEs de la production auraient pu voter. Le syndicat IG Metall a néanmoins promis de soutenir pleinement le comité d’entreprise de la « direction ». On « veillera toutefois attentivement » à ce que le comité s’engage pour l’ensemble des 12 000 futurEs salariéEs.
Bain de sang devant le Reichstag
La manifestation du 13 janvier 1920 devant le bâtiment du Reichstag à Berlin est entrée dans l’histoire sous le nom de « bain de sang devant le Reichstag ». Dès midi, les employés de la plupart des grandes entreprises berlinoises avaient cessé le travail, notamment chez AEG, Siemens et Daimler.
Plus de cent mille travailleurs/ses se sont finalement rassemblés devant le Reichstag lors d’une séance de l’Assemblée nationale de Weimar sur la loi relative aux comités d’entreprise. Au lieu d’une simple participation, ils revendiquent le « droit de contrôle total sur la gestion de l’entreprise » par les ouvrierEs, les employéEs et les fonctionnaires dans toutes les entreprises privées et publiques. La manifestation fut réprimée à la mitraillette, faisant plusieurs dizaines de morts. Le lendemain, le président Friedrich Ebert (SPD) décrète l’état d’urgence, de nombreux membres des partis ouvriers USPD et KPD sont arrêtés, plus de quarante journaux sont interdits.
Aujourd’hui, un comité d’entreprise a son mot à dire en matière d’horaires de travail, d’embauche, de licenciement, de protection de la santé et de rémunération. L’importance d’un comité d’entreprise pour les travailleurs est donc indéniable. Mais pour de nombreux conseils d’administration et directions, cela va déjà trop loin. Dans les start-up, par exemple, où le patron et les employés se tutoient, le simple fait de lancer une élection au comité d’entreprise est perçu comme un vote de défiance. Pourtant, la représentation des intérêts par un comité d’entreprise est un droit garanti aux salariés.
Les méthodes de lutte contre les comités d’entreprise sont multiples : elles vont de l’empêchement complet des élections par l’intimidation et le licenciement de salariéEs engagéEs avant même qu’elles aient lieu, à la scission de comités existants et au harcèlement moral de comités d’entreprise actifs.
Depuis quelques années, des cabinets d’avocats se sont spécialisés dans le Union Busting (répression antisyndicale) ou mobbing (harcèlement) des comités d’entreprise. Par exemple, Schreiner & Partner est connu dans toute l’Allemagne pour conseiller les entrepreneurs qui considèrent les travailleurs/ses engagéEs et les comités d’entreprise comme un problème. Le cabinet d’avocats propose des séminaires intitulés : « à l’avenir sans comité d’entreprise : comment éviter, dissoudre et réélire le comité d’entreprise », « le licenciement de travailleurs “perturbateurs”. Comment concevoir de manière créative des motifs de licenciement ».
D’autres directions engagent de nouveaux responsables en ressources humaines, souvent également juristes, afin de débarrasser l’entreprise des employéEs indésirables. Il ne s’agit pas seulement d’entreprises privées mais aussi d’entreprises publiques, qui financent de tels avocats avec l’argent des contribuables.
Des gifles pour les salariéEs
Il est fréquent que les avocats des employeurs déclenchent de véritables avalanches de procès contre les travailleurs/ses et le comité d’entreprise. Les plaintes n’ont presque jamais de chance d’aboutir, mais elles entraînent une charge et un stress pour les accuséEs, parfois même des maladies dépressives.
Dans le domaine des droits de l’environnement et des droits humains, ainsi que contre les journalistes critiques, ce type d’action a déjà son propre nom : SLAPP. Ce terme signifie en anglais « gifle » et signifie Strategic Lawsuit Against Public Participation (actions stratégiques contre la participation publique). Elles se répandent de plus en plus – comme par exemple lors de l’opposition à la construction du tunnel de Lobau à Vienne, avec l’intention d’étouffer dans l’œuf la participation politique de la société civile.
Plusieurs organisations se mobilisent pour une initiative législative européenne qui sanctionnerait cette pratique, comme il en existe déjà aux États-Unis. Au niveau de l’entreprise, ces SLAPP sont également pratiquées depuis des années mais les syndicats n’ont pas encore été associés à l’initiative législative lancée par la Commission européenne qui a mis en place un groupe d’experts début 2021.
Une chose est sûre : le patronat et l’Union Busting mettent en danger la santé individuelle, les droits jumains et la démocratie. Il est important de dénoncer publiquement ces pratiques des directions d’entreprise.
Une petite victoire d’étape a pu être obtenue grâce au travail d’information de ces dernières années. Selon l’article 119 de la loi sur l’organisation des entreprises, l’entrave à l’action des comités d’entreprise est jusqu’à présent un délit poursuivi sur plainte et passible d’emprisonnement – mais elle n’était poursuivie que si les comités d’entreprise ou les syndicats portaient plainte.
Selon l’accord de coalition de l’Ampel, cela devrait changer : « Nous considérons à l’avenir l’entrave à la cogestion démocratique comme un délit poursuivi d’office », est-il écrit. Cela signifie que les parquets devront enquêter sur les employeurs dès qu’ils auront connaissance d’un cas d’empêchement ou de manipulation des élections du comité d’entreprise, d’entrave au travail des comités ou de traitement préférentiel ou défavorable de membres du comité d’entreprise en raison de leur fonction.
L’efficacité de ce projet de loi dépendra bien sûr fortement de la dotation en personnel et en moyens financiers des institutions chargées de recenser et de poursuivre ces délits poursuivis d’office.
Mais ce n’est pas le débat juridique qui est central, c’est la résistance au sein de l’entreprise. Et pas seulement dans le cadre du travail des comités d’entreprise. Il s’agit également d’impliquer et d’organiser le personnel au-delà du travail du comité d’entreprise, par exemple sous la forme de groupes d’entreprise et de comités syndicaux de représentantEs.
Des exemples récents montrent que l’organisation au sein de l’entreprise en vaut la peine : Wikus-GmbH, le plus grand producteur européen de scies à métaux pour les utilisateurs du secteur de l’acier, qui emploie plus de 500 personnes, a été sans comité d’entreprise et sans convention collective pendant soixante ans. Les directeurs avaient même engagé le tristement célèbre cabinet d’avocats Schreiner & Partner. Cela ne lui a servi à rien : après un licenciement collectif en 2020 et des mises au concours de postes dans la foulée, un comité syndical IG Metall de représentantEs s’est créé et, quelques mois plus tard, une élection extra-régulière du comité d’entreprise s’est tenue.
Publié par Sozialistische Zeitung, traduction Even Perchais-Lorfeuvre