Publié le Dimanche 11 octobre 2009 à 19h09.

« En Françafrique, il n’y a pas d’élection »

Les élections au Congo Brazzaville sont passées relativement inaperçues. Pourtant, elles illustrent les agressions de l’impérialisme français, qui, après avoir soutenu les deux camps d’une guerre des plus meurtrières à la fin des années 90, entérine une mascarade électorale qui permet à Sassou Nguesso de continuer à livrer les richesses du pays aux multinationales françaises comme Total ou Bolloré. Nous revenons sur ces élections avec Olivier Bidounga, délégué aux relations extérieures de la Fédérations des Congolais de la Diaspora (FCD).

« Afriques en lutte »: dites nous deux mots sur la campagne électorale

Olivier Bidounga : En Françafrique il n’y a pas d’élection, c’est un leurre pour faire croire qu’il y a une démocratie. Mais en fait, la venue au pouvoir de Sassou Nguesso s’est toujours faite par coups d’Etat entérinés par une pseudo élection a posteriori. C’est la suprématie de la force car on muselle les populations en instillant la peur, créant un électorat captif, ou la résignation par des crimes extrajudiciaires : assassinats en masse, viols, vols et spoliations. Une campagne électorale respecte des règles internationales et nationales. Or, dans ce cas d’espèce au Congo, l’opposition est accompagnatrice reconnaissant son coup d’État et recevant des subsides de Sassou. La campagne avait été biaisée sans débats et projets politiques si ce n’est d’accréditer le coup d’Etat et négocier sa place à la mangeoire.

Sassou Nguesso a été élu avec 78% des voix. Quelles ont été les réactions au Congo ?

Mme Sassou Nguesso appelait les populations qui fuyaient la capitale à rester pour aller voter. Or celles-ci, fortes de leurs expériences passées, n’y sont allées qu’à 5%. Les 78% sont tout simplement faux, constat fait par les ONG de terrain sur place ainsi que les média.

La guerre civile continue à peser au Congo ?

Nous, on n’appelle pas ça des guerres civiles mais plutôt des guerres contre les civils ou guerres orphelines. Elles ont été fabriquées de toutes pièces. Ce ne sont pas des populations opposées à d’autres, ni des ethnies contre d’autres, mais des jeunes organisés en « milices » qui pillent, violent et volent les populations civiles. Les problèmes de la jeunesse ne sont pas résolus. Mais elle est utilisée par les saigneurs de guerre pour instiller la peur dans les populations et les détourner de la problématique de développement et de leur avenir. Le pouvoir se désengage de ses responsabilités mais fabrique un banditisme qu’il saura exploiter pour entretenir un climat de psychose, et un enrichissement des affidés du système.

Peux-tu préciser le rôle de la France dans cette période électorale?

Déjà avant les élections en mars, Sarkozy; lors de son séjour à Brazzaville, avait félicité Sassou Nguesso pour les résultats de son gouvernement. Alors que les systèmes de l’ONU font les constats de la pauvreté avec 70% de la population qui vit avec moins d’1 dollar/jour. Cette maffia-afrique a été représentée par messieurs Toubon, Gaubert et Mancel qui y sont allés à l’appel du pouvoir en place pour légitimer ses pseudo élections, alors que l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) a conclu que cette élection n’était ni juste, ni transparente, ni équitable. Pareil pour Miguel Amado, représentant de l’UE, qui n’avait pas jugé opportun d’y faire venir des observateurs pour cause de non observation des recommandations des scrutins de 2002.

Après que Sassou ai prêté serment, quelles sont les perspectives ?

Pour nous, il n’a pas été élu. Sa véritable élection c’est d’avoir pris les armes avec des armées étrangères pour reconquérir le pouvoir congolais. Nous nous organisons en tant que société civile pour dire non à la mascarade électorale et refuser les coups d'État, comme l’a stipulé la Conférence nationale souveraine en 1992 au Congo. Nous n’attendons pas une alternance politique, mais plutôt une transition découlant d’un soulèvement populaire. Seule une transition pourra préparer de véritables élections, remettant à plat les problèmes de ce pays :

- dégager les véritables responsabilités des uns des autres dans les crises, crimes de sang et économiques;

- lutter contre l’impunité;

- mettre au cœur de la société congolaise la Justice, élément essentiel pour aller de l’avant.

Sinon, tant qu’on ne saura pas qui a fait quoi et pour qui, il n’y aura pas de démocratie, mais la continuation du banditisme et du clientélisme. Ainsi le pays pourra retrouver sa mémoire et construire un avenir équitable.

Y a-t-il des organisations de la société civile ?

Oui il y en a des organisations qui luttent, par exemple « Publiez ce que vous payez » une coalition de plusieurs associations. Il y a aussi l’OCDH, la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH), l’Association pour les Droits de l’Homme et l’Univers Carcéral (ADHUC) qui sur place, dénoncent et font des recommandations. Et nous, FCD, au niveau de la diaspora. Sans oublier des individualités noyées dans la population. Ainsi que les confessions religieuses catholiques et protestantes qui font régulièrement des recommandations sans complaisance.