Les derniers évènements en RDC montrent que le M23/AFC entend contrôler durablement les territoires conquis tout en continuant son avancée, acculant le président congolais à chercher désespérément des soutiens militaires.
Le mouvement du 23 Mars et l’Alliance du Fleuve Congo (M23/AFC) soutenu par le Rwanda continue sa progression vers Kindu, chef-lieu de la province de Maniema et vers Uvira située sur le bord du lac Tanganyika. Dans le même temps, le M23/AFC conforte sa position et tente d’administrer les deux grandes villes du Nord et Sud Kivu, Goma et Bukavu.
S’installer dans la durée
Il ne faut pas se fier aux foules saluant les « libérateurs » dans les villes conquises. Il s’agit avant tout d’une stratégie des habitantEs tentant de se concilier les bonnes grâces des nouveaux maîtres des lieux. Quant au grand meeting organisé par Corneille Nangaa le dirigeant du M23/AFC au stade de l’Unité à Goma, les habitantEs ont été invitéEs à y participer sous la menace des kalachnikovs relativisant fortement la spontanéité de leur ferveur.
La situation humanitaire et sociale est catastrophique. Les miliciens ont expulsé les populations des camps de réfugiéEs vers leurs villages, indépendamment des conditions sécuritaires. Les citadinEs de Goma et de Bukavu sont confrontéEs à la pénurie de liquidités car les banques ne sont plus approvisionnées par Kinshasa. Beaucoup ont perdu leur emploi ou leurs biens à cause de pillages mais tous doivent participer gratuitement aux travaux communautaires appelés « Salongo » chaque samedi.
Les autorités du M23/AFC traquent opposantEs, journalistEs et toutes voix critiques et tentent d’étouffer la société civile. C’est le cas avec « La Lucha » dont les militantEs subissent la répression. Si avant la situation était loin d’être parfaite, elle s’est maintenant considérablement détériorée. Le remplacement systématique des chefs coutumiers – certains sont même exécutés – permet ainsi de conforter les propriétés foncières des partisans des miliciens voire d’accéder à de nouvelles terres, car traditionnellement leur distribution est assurée par les chefs des villages.
Un président congolais affaibli
Félix Tshisekedi, le président de RDC, se trouve acculé. La conférence de la SADC, regroupant les pays de l’Afrique australe, a acté le retrait de leurs troupes. Il s’est tourné vers le Tchad en vain. En interne, ses oppositions haussent le ton à l’image de Joseph Kabila, l’ancien président, qui l’accuse de dictature avec ses velléités de modifier la constitution lui permettant de briguer un troisième mandat.
Le dirigeant congolais joue une nouvelle carte, celle des USA. En échange d’une protection de la RDC, les États-Unis auraient accès aux nombreux minerais du pays. Cette offre, si elle correspond bien au logiciel du « First America » de Trump fait fi de la réalité, le contrôle par la Chine de près de 70 % à 80 % des mines obligeant les USA à mener des prospections géologiques considérées comme coûteuses, chronophages et aléatoires. Cependant, Washington s’est dit intéressé par la proposition.
Négociations contraintes
Aux dires du médiateur pour la paix, le président angolais João Lourenço, Félix Tshisekedi n’exclurait plus de franchir la ligne rouge qu’il avait lui-même édicté à savoir le refus de toutes négociations directes avec le M23/AFC, considéré comme des pantins du Rwanda. Depuis plusieurs semaines, les autorités religieuses congolaises très écoutées par la population défendaient cette option.
Isolé politiquement en RDC, ne pouvant plus compter sur une aide militaire d’un quelconque pays et conscient de la déliquescence de son armée et des milices alliées – les wazalendo dont certains ont changé de camps en rejoignant le M23/AFC – Félix Tshisekedi n’a plus beaucoup de choix. Mais accepter les négociations s’avèrera un jeu périlleux. En effet, trop céder aux exigences du Rwanda, risque non seulement d’être un suicide politique mais pourrait aussi susciter une opposition d’un autre pays voisin l’Ouganda qui verrait d’un mauvais œil l’hégémonie économique voire politique du président rwandais Paul Kagamé sur la partie Est de la RDC.
Paul Martial