Publié le Vendredi 9 mai 2025 à 08h00.

RDC : La paix sous le sceau du business

L’option de la paix entre la RDC et le Rwanda devient désormais plausible bien que semée d’embûches. Cela se révèle cependant désavantageux pour Kinshasa.

Depuis 2021, le Rwanda avait activé et soutenu en armes et en hommes la milice M23. Elle avait réussi à s’emparer d’une grande partie des territoires de la région est de la RDC, notamment les deux capitales régionales Goma et Bukavu. Les structures africaines à travers les médiations de Nairobi, Luanda puis de Dar es Salam s’étaient avérées vaines.

L’implication des USA

À la surprise générale, le Qatar avait réussi à réunir en tête-à-tête les présidents de RDC et du Rwanda, Félix Tshisekedi et Paul Kagamé. Quelques semaines plus tard, les deux ministres des Affaires étrangères des pays belligérants, sous la coupe de Marco Rubio, secrétaire d’État, signaient à Washington une déclaration de principe. Celle-ci reconnait le « respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque État et le principe de non-ingérence dans les affaires internes de l’autre État. » Les deux pays s’engagent aussi à la « cessation de tout soutien aux groupes armés. » Cela fait référence à l’appui du Rwanda au M23 mais aussi aux liens entre les forces armées de la RDC avec les FDLR (forces démocratiques de libération du Rwanda), un groupe fondé par les génocidaires hutu. Tous ces engagements avaient déjà été pris lors des précédentes rencontres organisées par la diplomatie africaine, ce qui est nouveau c’est la partie économique.

Main basse sur les minerais

Faute d’avoir réussi à trouver un soutien militaire des pays africains, Tshisekedi s’était tourné vers les États-Unis en proposant un deal, l’accès aux minerais congolais en échange de la protection des USA. Trump s’était montré intéressé et avait envoyé son émissaire spécial Massad Boulos pour entamer des discussions. Quant à Paul Kagamé, il mettait à disposition son pays pour accueillir les personnes expulsées des USA. Une proposition analogue qu’il avait déjà faite à l’ancien gouvernement conservateur de Grande-Bretagne. En signe de bonnes intentions, le M23 s’était retiré de la ville de Wakilake près de la mine d’étain exploitée par Alphamin, une entreprise étatsunienne.

Dans l’accord de principe est acté le « soutien à l’intégration économique régionale, notamment par la transparence dans les chaînes d’approvisionnement des minerais critiques ». De plus, Trump a promis des investissements massifs privés et publics dans la région.

De nombreux obstacles

Cet accord n’est pas forcément à l’avantage de la RDC car dans la chaîne de valeurs, le pays risque d’être cantonné à une réserve de minerais extraite par des entreprises des USA, et le Rwanda assurerait la fonction logistique de l’exportation. Mais la situation s’avère complexe. Le M23 qui contrôle de larges pans de la région du Kivu a comme principal souci la garantie pour la communauté tutsi de leur propriété foncière. Les négociations entre Kinshasa et le groupe armé achoppent, car ce dernier exige son intégration dans l’armée et surtout dans les institutions. Dans les faits, la région du Kivu serait économiquement intégrée au Rwanda et politiquement gérée par le M23.

Les entreprises chinoises contrôlent la grande majorité du secteur minier en RDC, ce qui implique pour les USA un travail de ­prospection long et coûteux et de s’installer dans des territoires contrôlés par les nombreuses milices existantes. Enfin, pas sûr que l’autre pays voisin, l’Ouganda, voit d’un très bon œil cet accord qui le marginalise. Il pourrait être tenté à son tour de soutenir des groupes armés.

Paul Martial