Accord ou pas accord ? La question n’est pas définitivement tranchée au moment où cet article est écrit. Une chose est claire : un accord entre Tsipras et les créanciers serait de toute façon basé sur une forte dose d’austérité...
Dès la victoire de Syriza aux élections du 25 janvier, les institutions européennes se sont positionnées pour empêcher le nouveau gouvernement de mettre en œuvre le programme sur lequel il avait été élu. Dès le 4 février, la Banque centrale européenne (BCE) a durci les conditions de financement de la Grèce. L’offensive a continué avec opiniâtreté. FMI et institutions européennes veulent casser une expérience qui risquerait de déteindre en Europe, notamment dans l’État espagnol. Comme l’a rappelé John Milios, ancien conseiller économique de Syriza, aujourd’hui critique de Tsipras, l’austérité n’est pas irrationnelle malgré ses échecs apparents : elle « représente une stratégie visant à augmenter le taux de profit du capital » (à lire dans Inprecor n°616- 617, juin 2015).
Une austérité modérée ?
Tsipras a décidé de continuer à payer la dette en temps et en heure. Il s’est engagé dans des négociations à rebondissements pour obtenir de nouveaux crédits et n’a pris aucune mesure de sauvegarde, en premier lieu le contrôle des banques. Il a cru et fait croire à la population grecque qu’on pouvait rompre avec l’austérité en respectant l’essentiel des règles de l’Union européenne. Et il s’est finalement résigné à ne pas remettre en cause la plupart des mesures mises en œuvre par la droite et à accepter une austérité « modérée ». Mais FMI et institutions européennes en veulent plus... Le 20 février, un accord a été négocié par lequel le gouvernement grec s’engageait à payer la dette, à ne pas interférer dans la gestion des banques, à réaliser certaines privatisations et à se concerter sur les mesures à prendre si celles-ci risquaient de créer des charges budgétaires supplémentaires... Dans la foulée, deux lois sociales ont été votées (dont l’une sur des mesures d’urgence) et la lutte contre la fraude fiscale des grandes fortunes enfin engagée. Certains ont soutenu que l’accord du 20 février allait permettre de gagner du temps. Ce pronostic s’est avéré radicalement faux : aucun crédit n’a été débloqué et les « institutions » ont continué à resserrer le nœud coulant. Tsipras pensait aussi bénéficier de la bienveillance des gouvernements « de gauche » européens (Hollande, Renzi en Italie) : une espérance déçue ! Il y a des contradictions entre FMI et institutions européennes sur les priorités, mais l’objectif est bien commun.
Le vain espoir d’un accord «équilibré»
Rassurés par une cote de popularité élevée, Tsipras et la majorité de la direction de Syriza, n’ont rien fait, semble-t-il, pour mettre au point un «plan B» en cas d’exigences inacceptables qui pourraient faire éclater Syriza, ni pour y préparer le peuple grec ni pour s’adresser aux autres peuples européens.
En marge du gouvernement, Zoé Konstantopoulou, la présidente du Parlement, a suscité en avril dernier la création d’une Commission pour la vérité sur la dette grecque. Les premiers résultats de son travail, présentés ces 17 et 18 juin, concluent au caractère illégitime d’une grande partie de la dette.
Reste à savoir ce que Tsipras et son équipe vont en faire. Dans ces derniers jours, ils ont opéré des reculs supplémentaires, méprisant les avertissements de la gauche de Syriza (qui représente environ 40 % de son comité central). Le désaccord entre Tsipras et ses interlocuteurs européens et du FMI ne porte plus que sur le degré d’austérité.
Solidarité et clarté
La troisième coordonnée de la situation reste le mouvement populaire. Les mobilisations en Grèce sont assez faibles. Pour l’instant, la confiance en Tsipras reste élevée et beaucoup de travailleurEs sont épuisés par l’impact de la crise, même si il existe des luttes locales ou sectorielles. Par ailleurs, aucune force significative ne se situe réellement dans l’optique de construire un mouvement unitaire pour exiger que Tsipras arrête de reculer. Organisation de véritables néo-nazis, Aube dorée espère profiter des espoirs déçus.
Enfin, il faut tenir compte de notre propre responsabilité en France et dans le reste de l’Europe. Nous n’avons pas été capables de rompre l’isolement de la Grèce et de contrecarrer la campagne de propagande qui fait croire, par exemple, que l’annulation de la dette grecque appauvrirait les travailleurEs et retraitéEs. Si nous avions été en mesure de mettre en échec les mesures antisociales de notre propre gouvernement (par exemple la loi Macron), Hollande serait certainement moins offensif dans la meute anti-grecque...
À l’heure où ces lignes sont écrites, divers scénarios sont possibles, d’un accord à un défaut de paiement (non-paiement d’une tranche de la dette). Plus que jamais, dans la clarté et l’indépendance par rapport aux aléas des choix de Tsipras, la solidarité est nécessaire !
Henri Wilno