Publié le Vendredi 3 juin 2011 à 10h23.

En quête d’un Etat fantôme

 

Les mouvements populaires dans le monde arabe ont reçu un fort soutient dans la population palestinienne, qui est également descendue dans la rue. La revendication de la fin de la division a été le point d’orgue de ces manifestations, le 15 mars dernier.

En perte réelle de crédibilité à la suite d’une accumulation de revers dans les "négociations", affaibli par les révélations des "papiers de Palestine" d’Al-Jazeera et maintenant soumis à la pression de la rue, le président de l’Autorité Palestinienne (AP) Mahmoud Abbas avait besoin de revenir sur le devant de la scène. Soumis a un blocus total depuis plus de cinq ans dans la bande de Gaza, les dirigeants du Hamas ont sans doute voulu se donner un peu d’air en signant cet accord, mais ils ont surtout cédé à la pression. Ils se retrouvent aujourd’hui en position de devoir négocier avec le Fatah pour les questions nationales, et à ses cotés en face d’Israël pour ce qui est de l’avenir national.

Pourtant, rien n’indique dans le texte de l’accord un changement radical de stratégie ni de la part de l’AP, ni du mouvement islamique. En effet le texte du Caire est creux, et rien ne permet d’en dégager qu’il y a accord politique entre les signataires, ni une stratégie commune de résistance.

Le but de Mahmoud Abbas dans cette manœuvre est plutôt de se donner un peu de crédit aux yeux de la communauté internationale pour défendre son projet de déclaration unilatérale d’un Etat Palestinien dans les frontières de 1967 au mois de septembre.

Comme l’on pouvait s’en douter, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a de suite condamné cet accord avec le Hamas, affirmant qu’il ne négocierait pas avec. Même son de cloche à Washington où Obama déclare que c’est un "obstacle à la paix".

Le dirigeant américain s’est exprimé quelques jours plus tard sur la question lors d’un discours devant l’APAIC, un des plus importants lobbies pro israélien aux Etats-Unis. Ses positions ont bizarrement étaient qualifiées d’historiques et courageuses, alors qu’il est dans la parfaite continuité de la politique de George W. Bush envers Israël : un soutient total et aveugle. Si il a en effet évoqué les frontières de 1967, il s’est empressé d’ajouter : "Il incombe à ces parties de tenir compte des changements qui ont eu lieu au cours des dernières 44 années, y compris de la nouvelle réalité démographique.". Les colons peuvent dormir tranquille, l’oncle Sam veille sur eux. En ce qui concerne directement la déclaration d’un Etat Palestinien : "... Les États-Unis vont s’opposer à tout effort visant à condamner Israël devant les Nations Unies ou devant n’importe quelle instance internationale. Parce que la légitimité d’Israël n’est pas un sujet de débat.". Si l’on s’interroge à la meilleure manière d’obtenir la paix, pour Obama, il semble que c’est en vendant des armes… "C’est pourquoi nous avons augmenté la coopération entre nos forces armées à des niveaux sans précédent. C’est pourquoi nous rendons disponibles pour nos alliés israéliens nos technologies les plus avancées."

Pas de changement de cap, donc, et s’il fallait le préciser encore, aucune allusion aux tirs de l’armée israélienne sur les réfugiés palestiniens du Liban et de Syrie qui ont manifesté aux frontières ce 15 mai, faisant plusieurs morts.

Deux jours après le président Obama, c’est au tour de Netanyahou de monter au créneau, cette fois devant le Congrès des Etats-Unis. Au cours d’un discours agressif, sans aucune concession, assenant les palestiniens à "faire des efforts", il a reçu une ovation des élus américains.

Au-delà du contexte diplomatique c’est la réalité sur le terrain qui limite le projet d’Abbas. Les colonies resteront en Cisjordanie quoi qu’il dise, ainsi que le Mur et les checkpoints, tant que la solution ne sera pas envisagée dans un cadre régional plus large et qu’elle ne répondra pas à la question de l’application des droits fondamentaux du peuple palestinien et du droit au retour des réfugiés.

Vincent Paz