Publié le Vendredi 24 décembre 2021 à 12h00.

En Suisse, Les femmes cibles de la régression sociale

Le mercredi 15 décembre a été un jour funeste pour les femmes en Suisse, la majorité du Parlement ayant entériné le recul de l’âge de la retraite des femmes, en acceptant le projet du Conseil des États.

Si cette nouvelle n’est guère surprenante, elle laisse toutefois un arrière-goût dénotant le mépris explicite d’une grande partie du parlement à l’égard des féministes et leur alliéEs et plus généralement de la population qui combat pourtant avec succès, dans la rue et dans les urnes, depuis des années, tout projet de rehaussement de l’âge de la retraite des femmes.

Baisse de rentes et allongement de la durée de cotisation

En effet, c’est bien le terme mépris qui qualifie le mieux le modèle retenu par ce vote au Parlement en faveur du projet AVS 21 [AVS = assurance-vieillesse et survivants]. Ce dernier prévoit un supplément allant de 50 à 160 francs pour les femmes qui se trouveront à moins de neuf ans de la retraite et qui partent à 65 ans [1 franc suisse = 0,96 euro], lors de l’entrée en vigueur prévue en 2023. Le système est progressif-dégressif, signifiant ainsi qu’il n’y aura que deux groupes de femmes qui recevront le supplément complet. Pour résumer, pour la moitié des femmes de la génération transitoire, AVS 21 équivaut à une baisse des rentes et à l’augmentation de l’âge de la retraite, comme pour toutes les autres futures retraitées… Des femmes qui, rappelons-le, effectuent encore aujourd’hui 70 % des tâches dites de care, tâches qui si elles sont bien essentielles au fonctionnement d’une société capitaliste, ne sont toujours pas reconnues comme un travail et entrainent les femmes dans la pauvreté à l’âge de la retraite en touchant des rentes en moyenne inférieur de 37 % à celles des hommes. AVS 21 participe ainsi à renforcer les inégalités de genre liées au système capitaliste. 

Les arguments financiers quant à la mauvaise santé de l’AVS ne sont pas non plus convaincants. Si l’AVS doit être mieux financée, c’est pour augmenter les rentes et diminuer l’âge de la retraite. Les impôts devraient y contribuer, mais aussi en utilisant les immenses bénéfices de la Banque nationale (BNS). Le fait que cette proposition ait été balayée par le Conseil des États n’est qu’un indice supplémentaire des rapports de forces en faveur des secteurs bourgeois et des lobbies agissant pour leur compte au sein du Parlement au détriment de la population. Il est inacceptable de sortir du financement paritaire employeurs/employéEs de nos retraites en proposant une augmentation de la TVA, l’impôt fédéral le plus antisocial qui soit, en appauvrissant encore plus les plus pauvres. 

Contre une société toujours plus individualisée

solidaritéS a déjà eu l’occasion de l’affirmer à plusieurs reprises, ce n’est pas l’AVS qui va mal mais le système à trois piliers dont le 2e démultiplie les inégalités salariales au niveau du montant des retraites. Preuve en est puisqu’environ 337 000 retraitéEs dont les 2/3 sont des femmes, doivent recourir aux prestations complémentaires pour survivre. Il faut augmenter les rentes et diminuer le temps de travail pour mieux le répartir au sein de la population. Une des solutions serait aussi de fondre le 2e pilier, gouffre à capital, dans l’AVS, qui aura alors toutes les ressources pour devenir une vraie assurance sociale.

Pour revenir sur la réforme AVS 21, il est important de rappeler qu’elle s’inscrit plus largement dans un projet de démantèlement des assurances sociales. La bataille contre AVS 21 doit donc être exemplaire en termes de mobilisation car cette réforme de l’AVS n’est que le premier échelon d’une ascension vers une société toujours plus individualisée. Preuve en est, la réforme sur la LPP [la prévoyance professionnelle] qui se profile à l’horizon et qui engendrerait une baisse de 12 % de nos rentes, ou encore l’initiative des jeunes PLR pour une retraite à 66 ans pour touTEs.

Cette réforme est inacceptable. solidaritéS soutiendra et participera activement au référendum lancé par la gauche, les syndicats et la Grève féministe. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’économies sur le dos des femmes, mais d’une augmentation des rentes AVS  et d’une baisse de l’âge de la retraite pour touTEs ! Pour un véritable système de retraite égalitaire et solidaire !