L’annonce par Bachar al Assad, jeudi 21 avril, que le pouvoir accepterait les revendications des manifestants, n’a pas suffi. Le peuple syrien réclame le départ du dictateur, qui, paniqué, ne cesse de durcir la répression. La répression en Syrie s’est considérablement accentuée au cours de ces derniers jours. Aux plus de 120 morts pour les seuls vendredi 22 et samedi 23 avril, il faut ajouter ceux du lundi 25 avril, lorsque les blindés ont investi la ville de Deraa. Cela fait plus de 400 morts depuis le 15 mars, date du début du processus démocratique.
Il s’agit là d’un durcissement manifeste des autorités, prises de panique par l’ampleur d’une rébellion qui s’étend, et touche maintenant toutes les grandes villes. Des centaines d’opposants sont arrêtés, torturés, et les organisations de défense des droits de l’homme (Human Rights Watch, Amnesty et l’Observateur syrien des droits humains) dénoncent les multiples disparitions, notamment celle du journaliste algérien Khaled Sid Mohand, arrêté par des membres de la sécurité militaire, le 9 avril, dont on est sans nouvelles depuis. Enfin, la nouvelle arrestation de Mahmoud Issa, membre du Parti du travail (communiste) est un signe de retour aux pratiques des pires heures de la dictature. En signe de protestation face à cette répression, deux députés, ainsi que le mufti de la ville de Deraa, là où l’insurrection a débuté, ont décidé de démissionner, fait sans précédent dans la vie politique syrienne. Pourtant, jeudi, après l’annonce par Bachar al Assad lui-même, de la réponse positive du pouvoir aux principales revendications des manifestants (levée de l’état d’urgence, abolition de la Cour de sûreté de l’État, autorisation des manifestations, libération des prisonniers politiques et de conscience, promesse d’une revalorisation de 30 % des salaires dans la fonction publique), on aurait pu s’attendre à un retour à la normale, et à la reconstitution du pacte national autour d’une présidence s’engageant à réformer le système politique et laissant plus de place à l’expression démocratique. Il n’en est rien. Le rejet de la dictature héréditaire est tel que c’est le départ d’Assad qui est aujourd’hui demandé par les manifestants. C’est aussi la fin du régime baasiste en place depuis mars 1963, dont l’article 8 de la Constitution garantit actuellement l’autoreproduction : « Le parti Baas dirige la société ». Le pouvoir syrien peut bien, comme le fait également Kadhafi, hurler à un improbable complot salafiste pour justifier la répression des manifestations, il ne peut masquer le ras-le-bol général, notamment d’une partie de la jeunesse qui aspire, comme dans les autres pays qui sont aussi le théâtre de soulèvements populaires, à la démocratie, à la liberté d’expression, à la fin des dictatures. Hugo Chavez peut bien, une nouvelle fois, parler comme pour la Libye, d’un « complot américain », il ne saurait nous convaincre que les jeunes manifestants de Deraa, Latakié et Damas ne sont que des marionnettes manipulées par la Maison Blanche ! Le mouvement démocratique syrien, même s’il est dramatiquement réprimé, a d’ores et déjà marqué des points capitaux pour l’avenir. Il a considérablement terni l’image moderniste de Bachir al Assad, complaisamment colportée par une presse occidentale peu intéressée par les pratiques policières et judiciaires du régime. Il a mis fin à 48 ans d’omerta sur les pratiques de la dictature alaouite. S’inscrivant dans le contexte général du combat engagé dans les pays du monde arabe, il doit bénéficier de tout notre soutien pour chercher des convergences avec les autres mouvements de contestation.
Ce sera un des thèmes des rencontres de Marseille, les 7 et 8 mai prochain, à l’initiative du NPA, où les anticapitalistes des pays du pourtour méditerranéen débattront des processus révolutionnaires et des soulèvements populaires en cours.
Alain Pojolat