Les élections générales se sont tenues le 7 février 2021. Elles ont été marquées par la défaite du camp gouvernemental et l’émergence du candidat indigéniste.
Lenin Moreno, élu président d’Équateur en 2017, et successeur de Rafael Correa, s’est tourné vers le FMI, a désarticulé les services publics et, alors que le pays avait réussi pendant les années précédentes à réduire la pauvreté, celle-ci a explosé en trois ans de politique néolibérale.
Situation sociale dégradée
Les signes d’une détérioration de la situation sociale sont là : augmentation des suicides, de l’endettement, paupérisation, précarité du travail, flambée du chômage. La population s’est révoltée du 2 au 13 octobre 2019 et a obligé le gouvernement à faire des concessions, notamment en obtenant l’abrogation du décret 883 qui instaurait la fin des subventions et la libéralisation des prix de l’essence.
Aussi, quand l’épidémie de Covid-19 est arrivée, les services de santé ont vite montré leurs limites, saignés par les mesures néolibérales du gouvernement. Les images de cadavres jonchant les rues de Guayaquil ont concrétisé cette incurie gouvernementale. L’Équateur a été rapidement le pays le plus touché du continent, bien que les chiffres officiels ne soient pas fiables en raison d’une impossibilité pour les services de santé de vérifier les causes des décès et de tester la population. C’est grâce aux données sur la surmortalité que nous avons une indication précieuse de la catastrophe sanitaire. Elle est de l’ordre de 40 000 morts supplémentaires en 2020, pour un pays de 17 millions d’habitantEs. À titre de comparaison, cela équivaudrait à 160 000 morts en France pour la seule année 2020.
Désaveu du néolibéralisme
Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le président Lenin Moreno n’ait bénéficié que de 7% d’opinions favorables fin 2020 alors que se profilaient les élections générales pour le 7 février 2021. Ce discrédit était tel qu’il a refusé de se représenter. Le parti gouvernemental, Alianza País, a présenté une candidate, Ximena Peña, et l’ex-ministre de la culture de Moreno, Juan Fernando Velasco, s’est présenté sous les couleurs de Construye, petit parti qui a participé aussi bien au gouvernement de Rafael Correa qu’à celui de Lenin Moreno. Ces deux candidats totalisent 2,35% des voix.
Avec cette défaite, le 7 février, le peuple équatorien a clairement indiqué qu’il refuse de poursuivre les politiques néolibérales imposées par Moreno. Même le candidat de droite, Guillermo Lasso, proclame dans son programme de gouvernement sa volonté de rétablir les services publics et critique la politique du FMI. Il arrive en deuxième position et obtient 19,73% des voix. Le candidat représentant le corréisme, Andrés Arauz, est largement en tête, avec 32,68% des voix.
De nouveaux éléments
Mais il y a deux surprises. La première, c’est le résultat obtenu par Yaku Pérez, représentant le parti Pachakutik, sorti contre toute attente deuxième des élections, résultat provoquant des manifestations de liesse populaire. Elles ont été refroidies quand trois jours plus tard, après un recomptage, Pérez s’est retrouvé rétrogradé à la troisième place, l’excluant du deuxième tour, talonnant Lasso avec 19,41% des voix. Il accuse le Conseil national électoral de fraude et a décidé de négocier avec Lasso pour faire barrage u candidat corréiste.
La deuxième surprise, c’est le score de Xavier Hervas, candidat social-démocrate qui, sans jamais dépasser 5% dans les sondages, réalise un score de 15,71% des voix.
Il y a deux leçons à tirer de ce premier tour.
Tout d’abord le rejet très largement majoritaire des politiques néolibérales qui s’est exprimé par de multiples luttes menées dans le pays, culminant avec la victoire des mobilisations de 2019, ce qui a permis la déroute électorale du régime.
La deuxième, c’est que le corréisme ne capitalise pas totalement ce rejet. Son candidat réalise un score honorable, mais largement en-deçà de celui de ses candidats lors des élections précédentes. Et il n’est pas certain qu’il l’emporte au deuxième tour, le 11 avril prochain.