Le 9 janvier, une mobilisation de grande ampleur a éclaté à Burgos (Castille, au nord de Madrid). Membre du Parti populaire (la droite), le maire a décidé et entamé, bien évidemment sans demander l’avis à la population concernée, la construction d’un boulevard et d’un parking géant et luxueux.
Ces travaux d’un coût de plus de 8 millions d’euros (l’emplacement coûtant 20 000 euros pour ceux souhaitant en acheter un) se situe au milieu du quartier populaire et ouvrier de Gamonal, 60 000 habitantEs touchés de plein fouet par la crise économique et sociale. Ces travaux n’ont aucune utilité sociale ni écologique, et rendraient la circulation et la vie plus difficile (perte d’emplacements gratuits de parking, dégradation des transports en commun) : juste un moyen de faire tourner la pompe à fric du secteur de la construction.
Les responsables des travaux étant de plus connus dans différentes affaires de corruption, il n’en fallait pas plus pour déclencher la colère des habitantEs : assemblées générales en plein air, manifestations (jusqu’à 10 000 personnes), confrontation avec la police. Quatre jours d’affrontements (banques et voitures incendiées par les manifestants), des dizaines d’arrestations, et le début d’un vaste mouvement de solidarité à travers toute l’Espagne avec des manifestations de soutien à Oviedo, Séville, Valladolid, Palencia, Tolède, et jusque devant le siège du PP à Madrid…
Un projet inutile remis dans les cartons…
Le maire a décidé d’abandonner le projet, d’évacuer les engins de chantier, et de remettre en état la route qui avait commencé à être détruite pour les travaux. Une grande victoire pour la population, qui pourrait faire tache d’huile : des luttes similaires sont en cours à Melilla (Maroc Espagnol) et à Séville. Et les habitantEs de Gamonal ont décidé de mettre en place un Conseil de quartier autogéré, pour se donner leur propre représentation et exiger un budget municipal tourné vers les besoins sociaux.
Cette révolte se produit dans le contexte terrible de crise que vit l’Espagne : 30 % de chômage, 1/3 de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Mais aussi un contexte d’effervescence des luttes sociales, où des fronts sont ouverts partout dans le pays : collectifs de défense de la santé, de l’éducation, des services publics ; réveil des nationalismes catalan et basque ; mouvement féministe, en lutte contre le projet de loi de quasi-prohibition de l’avortement. Les mobilisations sont quotidiennes dans toutes les grandes villes, et la combativité des secteurs en lutte commence à marquer quelques victoires partielles : victoire des éboueurs à Madrid, dans les transports à Alicante, blocage par la justice de la privatisation des hôpitaux madrilènes.
Même si de réels obstacles existent (manque de coordination, de structuration, poids des appareils syndicaux complètement corrompus, faiblesse de la gauche révolutionnaire), la capacité d’auto-organisation des travailleurEs espagnols est en train de se renforcer. Gamonal est une des étapes sur ce chemin.
Yoann S.