Les rapports de forces commencent à changer... Notre camarade récemment disparu Miguel Romero disait : « Pour que les choses bougent, pour pouvoir casser l’hégémonie des possédants, pour qu’il y ait une montée de la lutte de classes, il faut que nous les révolutionnaires soyons capables de dresser une alternative politique unitaire (anticapitaliste ou même anti-austérité) qui déstabilise toute la représentation politique et casse l’hégémonie du PS parmi les couches populaires ». Le mouvement des Indignés, une bonne dose d’initiative et pas mal d’audace ont rendu cela possible...
Ce samedi 13 juin, ni Miguel Romero ni Daniel Bensaïd n’auront eu la chance de voir notre camarade d’Anticapitalistas, José María González « Kichi », s’adresser à une population enthousiaste en tant que maire de Cadix, membre de la IVe Internationale, mettant fin à 20 ans de gouvernance autoritaire du PP. Cette victoire est symbolique à plusieurs niveaux. Cette candidature, plus radicale que celles qui l’ont aussi emporté à Barcelone, Badalona, Madrid, Saragosse, La Corogne, Compostelle, etc., a chassé la droite dure, habituée à ne pas avoir une opposition digne de ce nom. Cadix montre aussi ce que Podemos pourrait être avec une autre orientation.La direction ne voulait pas participer directement aux municipales sous prétexte « d’empêcher l’élection d’arrivistes incontrôlés », en fait pour marginaliser nos camarades et négocier par en haut des initiatives unitaires, voire avec des appareils réformistes déjà en place. Cela explique le grand nombre de conflits internes et les manœuvres bureaucratiques qui, entre octobre 2014 et mai 2015, ont vidé progressivement les cercles de militantEs combatifs et contribué à épuiser la dynamique de la fondation. Cette orientation a permis que les appareils (ICV, IU, Equo, etc.), qui auraient pu disparaître dans l’ouragan Podemos, reprennent l’initiative, profitant par exemple à Barcelone de la candidature d’Ada Colau, une ancienne autonome antiparti disposant d’un prestige énorme dû à son combat pour le droit au logement. Le rapport de forces s’est équilibré : les candidatures d’unité populaire (CUP) sont plus fortes, et Podemos a perdu son dynamisme initial. Ceci dit, Podemos reste le seul parti centralisé capable de représenter une alternative aux prochaines législatives en novembre.
À l’épreuve du pouvoirLe succès de « Por Cádiz sí se puede » a obligé le PS à nous soutenir, en position de faiblesse, pour ne pas perdre complètement sa crédibilité vis-a-vis des couches populaires. Cette situation s’est répétée à Barcelone, Madrid, Saragosse… où le PS a dû soutenir les CUP contre la droite.Cadix montre aussi à la direction de Podemos que participation, radicalité et hégémonie des révolutionnaires sont parfaitement compatibles avec des succès électoraux, à condition que l’on combine mobilisation, auto-organisation et démocratie interne. Cela illustre aussi qu’il est possible à la fois de se différencier de la direction de Podemos et de diriger un processus réel, si l’on comprend que les masses se radicalisent grâce à l’expérience et pas grâce aux dénonciations incompréhensibles faites par des professeurs rouges...De grands obstacles nous attendent, et l’épreuve du pouvoir va être difficile. D’abord parce que les partis du régime préparent pièges et provocations, profitant de notre inexpérience. De plus, l’absence de majorités absolues va obliger à des accords partiels avec le PS ou avec des courants nationalistes de centre-gauche. Les pouvoirs en place vont essayer de bloquer tout changement, et certains médias vont taper dur contre ces nouveaux gouvernements : ainsi l’affaire des tweets – par ailleurs tout à fait condamnables – de Guillermo Zapata, conseiller déjà démissionnaire de Madrid et, pas par hasard, membre de l’aile gauche de la coalition… Dernier problème et pas le moindre : un grand nombre de caisses sont vides pour changer de politiques et développer un plan d’urgence sociale.Mais, comme le dit le nouveau maire trotskiste de Cadix (!) : « Nous nous tromperons sans doute souvent, mais jamais de combat ! » À suivre...
De Barcelone, Andreu Coll