Publié le Mercredi 3 juin 2015 à 15h39.

Etat espagnol : et maintenant ?

Après ce 24M (24 mai), quelle orientation ? Moins de deux semaines après les élections (voir l’Anticapitaliste n°291), il est possible de faire plusieurs constats...

Podemos se consolide, malgré le fait que la rupture des couches populaires avec les partis traditionnels reste encore partielle. La thèse de la « pasokisation » du PSOE s’est avérée erronée, au moins à court terme, car, malgré une perte de voix, il récupère plusieurs citadelles institutionnelles grâce à la chute électorale plus aiguë du PP. Dans le même temps, la percée de Ciudadanos, même si elle est moins puissante qu’espérée par le régime et les bourses, a déstabilisé l’orientation du groupe dirigeant de Podemos : devenir le « centre politique », voire s’adapter aux préjugés conservateurs des classes moyennes, pour arriver rapidement à la Moncloa, la résidence officielle du président du gouvernement... De plus, en tant que « Podemos de droite », Ciudadanos permet au système de récupérer l’électorat en rupture avec le PP.Les scores électoraux des candidatures d’unité populaire, notamment à Madrid, Barcelone, La Corogne, Compostelle, Saragosse ou Cadix, sont beaucoup plus élevés que quand Podemos était seul. Cela veut dire que les dynamiques de rassemblement, le pluralisme et le consensus, se sont montrés plus efficaces que l’électoralisme à tout prix, notamment là où il y a eu une vraie dynamique dans les quartiers et l’inclusion d’équipes militantes implantées dans les luttes sociales. En ce sens, si le 15M, le mouvement des Indignés, était une illusion sociale et en symétrie Podemos « machine de guerre électorale », une illusion politique, l’équation devient plus équilibrée : les conquêtes sur le plan institutionnel vont aider à l’auto-organisation, et inversement.De plus, les résultats montrent que les candidatures qui ont le plus réussi sont celles qui ont été à la fois unitaires et de rupture, dirigées par des militantEs plus que par des « politiciens », et où une vraie dynamique par en bas s’est imposée sur les batailles d’appareil. Dans le cadre s’ouvre la question clé de la lutte contre à la fois le sectarisme, la bureaucratisation et l’adaptation, d’où la nécessité de structurer les instances de base et les engager dans les luttes sociales, et de stimuler le contrôle des éluEs.

Gagner le prochain assaut...Dans le travail institutionnel, nous sommes là pour rompre avec l’austérité et avec le régime du 1978. La lutte pour chasser la droite ne doit pas nous amener à gérer en minorité avec le PSOE. Il faut conserver le maximum d’indépendance politique, à la différence d’IU qui est en train de disparaître comme force politique nationale justement à cause de sa nature de force supplétive du PSOE. Là où les candidatures d’unité populaire l’ont emporté, ce sera très difficile de gouverner contre les pouvoirs en place et l’hostilité du système, et nous ne pourrons gagner des batailles que grâce à l’auto-­organisation populaire.Tous ces acquis doivent maintenant être rassemblés pour gagner le prochain assaut contre la caste, le régime et la troïka. Pour cela, il faut défendre « l’unité populaire » développée par le mouvement lui-même. Ce qui est évident, si l’on revisite les résultats électoraux, c’est que là où les candidatures ont été plus radicales, plus ouvrières et populaires, elles ont eu plus de succès. Et là où elles ont été plus floues, plus centrées sur des questions démocratiques et moins chargées de contenus sociaux, la démagogie de Ciudadanos a progressé.Ces résultats électoraux, les conflits au sein de Podemos, ainsi que le départ de Monedero, un des dirigeants, vont ouvrir ces prochaines semaines un débat stratégique dans Podemos : alliances, pluralisme, type d’organisation, axes programmatiques et rapport à la lutte de classes et aux conflits en cours. Nous les anticapitalistes allons continuer notre tâche de rassemblement des secteurs les plus radicaux et militants (sur la base d’une expérience de masse) et de démonstration pratique du fait que radicalité, pluralisme, efficacité… et bons scores électoraux ne sont pas incompatibles. Bien au contraire, ce sont tous les facteurs de l’équation pour vaincre.

De Barcelone, Andreu Coll