Publié le Jeudi 17 mars 2016 à 09h09.

État espagnol : Fin du premier round, changement de rythme

Après deux tours d’investiture, le Parlement espagnol a dit non à l’accord entre Pedro Sánchez et Albert Rivera, entre le PSOE et Ciudadanos...

L’accord a été présenté comme une proposition de « centre progressiste » (évidemment, personne de sensé ne va se présenter comme « rétrograde »...), capable de parvenir à des accords, tant avec la gauche de la chambre représentée par Podemos et Izquierda Unida qu’avec la droite du PP. Cependant, aucune de ces deux options n’a été possible.

Les chiffres démontrent qu’associer « centre » avec « majorité », comme l’ont suggéré à diverses reprises les inspirateurs de l’accord, n’est qu’un piège bon marché. Les seules majorités qui semblent arithmétiquement réalisables sont soit un gouvernement de coalition entre les forces « constitutionnalistes » (pro-régime et pro-troïka), soit un tournant du PSOE à gauche et une large coalition avec Podemos, avec l’appui tacite des nationalistes. Pourquoi aucune de ces deux options ne s’est matérialisée ?

Le PP n’a pas soutenu la proposition du PSOE-Ciudadanos, non pas parce que cela ne coïncide pas fondamentalement avec son programme, mais parce que ce n’est pas lui qui l’a impulsé. Le PP est un appareil monstrueux, qui gouverne depuis quatre ans retranché dans sa majorité absolue, alors que dans la société se produisaient des recompositions et changements qui n’avaient pas de reflet immédiat au Parlement, mais qui érodaient le statu quo. Entre leurs scandales de corruption et la nouvelle réalité électorale, le PP est un parti en crise.

Le bloc du changement

Pourquoi l’accord n’a pas convaincu Podemos ? Parce que Podemos, avec toutes ses limites, erreurs et contradictions, n’est pas une force sociale subalterne. Pablo Iglesias a insisté maintes fois sur le fait que toute négociation avec le PSOE doit être une négociation entre égaux. De là sa proposition de gouvernement commun où les deux partis se partageraient les postes à 50 %. Bien que la proposition du référendum et certaines propositions économiques soient une brèche difficile à éviter pour un PSOE engagé dans l’orthodoxie néolibérale et le fanatisme constitutionnel, la lutte pour l’hégémonie dans le camp politique de la gauche rend aussi impossible et de manière décisive, un tel accord.

PSOE et Ciudadanos ont déjà annoncé qu’ils continueront à négocier pour atteindre le gouvernement. Le PSOE essaiera de faire pression sur Podemos, tandis que, dans un grossier partage des rôles, Ciudadanos essaiera de faire de même avec le PP. On ne peut écarter que le climat d’ingouvernabilité favorise des solutions centristes de type technocratique style italien, qui renforceront temporairement le rôle de Albert Rivera (Ciudadanos).

Dans le « bloc du changement », le défi que nous avons devant nous est immense. Pendant que nous maintenons une dynamique d’attaque, face à la grande coalition que les partis du régime planifient et en même temps se disputent, nous devons nous préparer pour être mieux placés dans un scénario plein de risques et de possibilités. Le risque est que la grande coalition se nourrisse de la passivité sociale, dans une dynamique politique de restauration au sein de laquelle Podemos reste isolé et en position de résistance. Cependant, l’avantage de Podemos et des « confluences », c’est qu’ils représentent le secteur le plus dynamique, vivant, et politiquement le plus conscient de la société.

Il faut changer de période, cesser d’interpeller un PSOE incapable de rompre avec les élites et déployer une explication qui permette de tirer les leçons de cette investiture, pour augmenter la base sociale du bloc du changement, non seulement en quantité, mais aussi en avançant dans l’organisation des classes populaires. L’heure est aussi venue d’interpeller des secteurs qui ont été un pilier de l’ordre constitutionnel, comme les syndicats.

De Madrid, Brais Fernández (Anticapitalistas)

(Traduction par Georges Sarda)