Publié le Jeudi 4 novembre 2010 à 09h48.

États-Unis. Des illusions à la colère

Au-delà de la défaite annoncée des démocrates, les élections du 2 novembre ne peuvent pas permettre que s’exprime, sinon dans l’abstention, le sentiment de révolte qui grandit dans le pays contre les responsables de la crise. Deux ans après son élection triomphale, Obama devrait enregistrer une défaite aux élections du 2 novembre dont nous n’avons pas, à l’heure où nous écrivons, les résultats. Sa cote de popularité est passée de 69 % alors à 43 % aujourd’hui et le Parti démocrate devrait perdre la majorité à la Chambre des représentants. Élu juste après la faillite de Lehman Brothers, Obama, en qui nombre d’électeurs plaçaient des espoirs de changement, n’aura fait que mettre en application les plans de l’administration Bush pour faire payer la crise aux couches populaires. À commencer par le plan de sauvetage des banques voté sous Bush, le Trouble Asset Relief program (Tarp) : plus de 700 milliards d’argent public mis à la disposition des banques et dont le secrétaire au Trésor, Geithner, déclarait fièrement début octobre qu’il ne coûterait au final « que » 50 milliards aux contribuables. Les plans de relance dont ont bénéficié les multinationales se sont succédé, faisant grimper le déficit de l’État à plus de 1 500 milliards de dollars – attendus en 2010 – sans que le chômage et la pauvreté ne cessent d’augmenter. 15 millions de travailleurs sont sans emploi, dont 6 millions depuis six mois. 9,5 millions de travailleurs doivent jongler avec deux emplois pour espérer s’en sortir. 40 millions d’Américains vivent sous le seuil de pauvreté et le nombre de ceux qui ont recours aux bons d’alimentation a augmenté de 70 % depuis 2007. Le secteur bancaire, qui a profité de la crise pour se restructurer, a renoué avec les bénéfices et continue de distribuer bonus et salaires mirobolants à ses traders et à ses dirigeants, tout comme les groupes de l’automobile, dont General Motors qui s’était placé sous la loi des faillites pour bénéficier de la manne étatique. Les déclarations d’intention d’Obama à leur encontre sont restées à l’état d’annonces. Le scandale des saisies immobilières est un concentré de cette situation. Plus d’un million de « propriétaires » qui ne peuvent plus rembourser les traites des crédits hypothécaires (les subprimes) que leur ont refourgués les banques devraient voir leur maison saisie en 2010, trois millions sont menacés du même sort. Aussi, les sentiments de colère ne font que grandir au sein des couches populaires dont une grande partie rejette aussi bien les démocrates que les républicains. Mais c’est pour l’instant le mouvement « Tea Party » (Tax enough already, « déjà assez imposés »), apparu il y a deux ans, qui profite, dans la petite bourgeoisie blanche, de ce rejet des grands partis. Se prétendant indépendant des républicains tout en ayant à sa tête Sarah Palin, l’ancienne colistière de John Mc Cain, c’est un mouvement populiste et réactionnaire, incarnation possible d’une nouvelle extrême droite. Rien d’étonnant, dans ces conditions, si le mécontentement des travailleurs s’exprime essentiellement par l’abstention.Galia Trépère