L’immigration et la frontière sud des États-Unis sont devenues des questions centrales dans le débat politique et pourraient être décisives pour les élections de novembre 2024.
L’ancien président Donald Trump, qui a commencé sa campagne présidentielle en 2015 en qualifiant les immigrants mexicains de trafiquants de drogue, de criminels et de violeurs, qui a promis de construire un mur à la frontière, qui a mis en place un « muslim ban » (interdiction de l’immigration en provenance de certains pays musulmans) et qui a augmenté les restrictions à l’immigration, se présente à nouveau à la présidence et avertit, à la manière d’Hitler, que les immigrantEs sont de la « vermine » qui « empoisonne le sang de notre pays ».
Le racisme des Républicains et la politique de Trump
La position raciste de Trump n’a pas changé, mais Joe Biden, qui, au moins sur le plan rhétorique, était favorable à des politiques plus libérales, s’est déplacé vers la droite et négocie actuellement ce qui pourrait devenir des politiques d’immigration beaucoup plus restrictives.
En quatre ans, Joe Biden n’a jamais réussi à mettre en œuvre des politiques plus humaines. Les restrictions sanitaires du Titre 42 de Trump utilisées pour exclure les immigrantEs sont restées en place pendant des mois ; la programmation des entretiens pour les immigrantEs demandant l’asile est restée difficile, beaucoup attendant pendant des semaines dans des conditions insalubres et dangereuses du côté mexicain de la frontière. Et bien qu’il y ait finalement eu une amélioration minimale du système, cela n’a satisfait ni les Républicains ni les progressistes du Parti démocrate.
Les parlementaires républicains mettent en garde contre une « invasion » d’immigrantEs et déplorent le « chaos à la frontière sud ». Ils appellent à la fermeture de la frontière, à la fin du système d’asile et à la révocation du droit à la citoyenneté liée au lieu de naissance. Les gouverneurs républicains Greg Abbott du Texas et DeSantis de Floride ont envoyé des bus et des avions remplis d’immigrants dans des villes dirigées par le parti démocrate comme Chicago, New York et Washington. L’arrivée de milliers d’immigréEs vénézuélienEs et autres a créé un sentiment de crise dans les villes. Bien que les deux tiers des AméricainEs soient toujours favorables à l’immigration légale, ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter certaines restrictions et beaucoup s’inquiètent de l’augmentation de l’immigration à la frontière sud et de la progression soudaine du nombre d’immigrants dans certaines grandes villes.
Marchandage pour faire passer la restriction du droit d’asile
Biden, soucieux de faire passer des projets législatifs de financement de fournitures d’armes pour l’Ukraine et Israël, et voyant l’évolution de l’opinion publique en matière d’immigration, négocie la question avec les Républicains. Ces derniers, majoritaires à la Chambre des représentants, refusent de voter les projets de loi sur l’armement de l’Ukraine et d’Israël tant que Joe Biden n’aura pas cédé à leurs exigences en matière de réforme de l’immigration.
Les Républicains veulent notamment modifier la politique d’asile des États-Unis. La législation américaine et les textes internationaux stipulent que toute personne craignant d’être persécutée dans son pays d’origine en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques a le droit de demander l’asile. Les Républicains aboliraient en fait le droit l’asile, la possibilité d’admission temporaire pour raisons urgentes ainsi que le statut protecteur temporaire qui offre un permis de séjour et de travail temporaire à des dizaines de milliers d’immigréEs. Biden est désormais prêt à expulser les migrantEs sans examen de leur demande d’asile et à étendre la détention et les déportations des immigréEs. Il rétablirait les restrictions du Titre 42 de Trump, désormais sans l’excuse d’une crise sanitaire.
Biden plus conservateur
Biden adopte cette nouvelle position plus conservatrice dans l’espoir de surmonter le blocage républicain et de faire passer son projet de loi sur le financement de l’Ukraine et d’Israël, mais les Démocrates progressistes, les militants des droits humains et des droits des immigréEs, ainsi que la gauche, sont furieux de ces changements proposés. La députée Pramila Jayapal, présidente du Congressional Progressive Caucus (qui regroupe les élus démocrates progressistes), a déclaré : « Jeter les immigrés – y compris ceux qui ont contribué à donner aux Démocrates la Maison Blanche et le Sénat et dont on attend qu’ils le fassent à nouveau – est une mauvaise politique sur tous les plans. Je ne voterai pas pour un paquet qui inclut des politiques d’immigration néfastes ». Il est toutefois peu probable que les progressistes abandonnent Biden lors des élections de novembre 2024, lorsque Trump sera l’autre choix.
Traduction Henri Wilno