Publié le Mercredi 5 février 2025 à 16h00.

Face aux attaques brutales de Trump, la riposte reste à construire

En deux semaines, Donald Trump a violé la Constitution et enfreint la loi pour mettre en œuvre des mesures qui menacent des millions d’emplois et les programmes de santé, d’éducation et de protection sociale des personnes âgées, des enfants et des pauvres. 

Bloqué à plusieurs reprises par les tribunaux, Trump a donné au milliardaire Musk, à la tête du DOGE (Département de l’efficacité du gouvernement), le pouvoir de prendre le contrôle des systèmes informatiques du gouvernement. Le président agit avec le soutien unanime du Parti républicain. Les Démocrates tergiversent et ne parviennent pas à s’opposer à lui.

Un e-coup d’État ?

Les actions de Trump sont ahurissantes. Il a d’abord tenté d’imposer un gel des dépenses pour toutes les subventions et prêts gouvernementaux, ce qui aurait affecté 20 millions d’enfants pour les repas scolaires, 2 millions de personnes âgées pour les repas à domicile, 79 millions de bénéficiaires de Medicare, 93 millions de bénéficiaires de Medicaid et de l’assurance maladie pour les enfants… Deux juges fédéraux ont bloqué Trump. Mais Musk et son équipe ont pris le contrôle des systèmes informatiques du département du Trésor et pourraient bloquer les paiements. S’agit-il d’une sorte d’e-coup d’État ?

Trump a envoyé à plus de deux millions d’employéEs du gouvernement fédéral le courriel « Fork in the Road » (« face, à une bifurcation, il faut se décider ») — une copie des courriels envoyés par Musk en novembre 2022 aux employésE de Twitter/X — leur disant qu’ils peuvent démissionner maintenant et continuer à travailler à domicile pour recevoir leur salaire et leurs avantages jusqu’au 30 septembre 2025. S’ils choisissent de ne pas démissionner, ils doivent retourner au bureau, mais n’ont aucune garantie de conserver leur emploi. Il suffit de répondre à l’e-mail avec le mot « Démission ». Selon le nombre de démissions, un dépeuplement de plusieurs agences ­g­ouvernementales est possible.

Hausse des droits de douane

Trump a l’intention de lancer une guerre commerciale contre le Mexique, le Canada et la Chine, en imposant des droits de douane de 25 % sur les produits en provenance du Mexique et du Canada, et des droits de douane supplémentaires de 10 % sur la Chine. Il s’agit des trois principaux partenaires commerciaux des États-Unis. Justin Trudeau et Claudia Sheinbaum ont déjà annoncé que leurs pays riposteraient. Compte tenu de l’intégration de la production industrielle nord-américaine, ces droits de douane pourraient, par exemple, entraîner la fermeture d’usines automobiles au Canada, au Mexique et aux États-Unis. Les droits de douane rendront plus coûteuse l’importation de bois d’œuvre pour la construction américaine. 

Choc et sidération

Trump a commencé à rassembler et à expulser les immigrantEs sans papiers à l’aide d’avions militaires, quelques centaines seulement jusqu’à présent, mais il promet de les expulser tous. Il estime leur nombre à 20 millions alors que les experts en dénombrent 11 millions. De nombreux immigréEs craignent désormais d’aller au travail, à l’école, à l’hôpital, à l’église ou au temple. 

Tout cela fait partie de l’objectif de Trump : réduire la taille, le pouvoir et le coût du gouvernement fédéral et surtout mettre fin à l’État-providence.

Trump a renvoyé 17 inspecteurs généraux dont le travail est de mettre un terme à la fraude, aux abus et à la corruption, de sorte qu’il n’y a guère d’opposition efficace au sein de la bureaucratie. Jusqu’à présent, l’opposition politique a utilisé les tribunaux pour tenter de bloquer Trump, avec un certain succès, mais les affaires judiciaires seront pour finir soumises à la Cour suprême conservatrice qui a eu tendance à soutenir Trump.

Les Démocrates n’ont pas réussi à parler d’une voix unifiée et claire, ni à ralentir l’assaut de Trump. Les Démocrates progressistes ont appelé le parti à réaffirmer sa prétention historique à représenter la classe ouvrière. Mais le parti vient d’élire comme président Ken Martin, qui est un apparatchik modéré.

L’attaque de Trump a été si rapide, si profonde et si intense qu’il n’y a pas encore de réponse massive de la base. Les syndicats, les organisations noires et latinos, les groupes de femmes, les groupes LGBT et la gauche discutent et planifient, mais n’ont pas encore de stratégie. 

Dan La Botz, traduction Henri Wilno