Publié le Vendredi 17 juillet 2009 à 21h45.

Forums sociaux : pour un retour aux sources 

Les Forums sociaux, mondial et européen, ont été confrontés aux problèmes liés à l'implantation dans la durée d'une perspective altermondialiste. Mais ils restent des espaces privilégiés pour la convergence des mouvements sociaux. 

 

 

Le Forum social mondial (FSM) émerge après la rébellion zapatiste au Chiapas (Mexique), en 1994, au moment du retour de la question sociale en Europe (mobilisations de 1995 en France, etc.) et de la mobilisation de Seattle (1999). Il coïncide avec le surgissement de nouvelles générations qui expriment leur révolte contre les effets brutaux des politiques néolibérales. Bref, il prend corps avec le changement du panorama mondial des mouvements sociaux.

Le FSM, comme le Forum social européen (FSE), est apparu dans la chaleur de la mobilisation sociale, sur un positionnement antilibéral – et anti-impérialiste – « radical », avec trois objectifs : être l'espace de confrontation des mouvements sociaux; être un lieu pour l'échange d'expériences de résistance et de lutte; faciliter l'articulation et la coordination des mouvements, ainsi qu'impulser des initiatives de mobilisation. 

Difficultés 

L'évolution du FSM et du FSE est liée à celle du mouvement altermondialiste, son ampleur, sa radicalité… et, aussi, aux rapports de forces internes au mouvement, entre les secteurs plus radicaux et les modérés. Le Forum intègre, en effet, un vaste spectre de mouvements, allant des ONG très modérées aux mouvements autonomes très radicaux. Les Forums sont importants pour tous les mouvements sociaux: alors que le premier FSM, à Porto Alegre (Brésil), comptait 12000 participants, celui de Belem (Brésil, neuvième édition), en janvier dernier, en a rassemblé 130000.

Les Forums ont permis des initiatives comme la mobilisation de Gênes, en 2001, des missions en Palestine ou encore la mobilisation contre l'intervention en Irak, le 15 février 2003 (une mobilisation internationale inédite dans l'histoire moderne). Les Forums ont aussi permis de construire des cadres de travail stables, des collectifs: le Comité d'initiative français pour les forums sociaux (CIFS) en France, des réseaux thématiques, le réseau de l'assemblée des mouvements sociaux, etc.

Après la mobilisation antiguerre de 2003 – et l'invasion de l'Irak –, le mouvement a connu une période d'affaiblissement. Des organisations – politiques – ayant joué un rôle central dans la construction des Forums, comme le Parti des travailleurs (PT) de Lula au Brésil ou le Parti de la refondation communiste (PRC) en Italie, font ou ont fait partie de gouvernements respectueux de l'ordre néolibéral; et, dans le même temps, des mouvements « piliers », comme Via Campesina, Attac et d'autres, ont cessé de jouer ce rôle. Cela a ouvert un débat sur l'utilité et le devenir des Forums. 

Convergences 

En Europe, alors que les politiques libérales et autoritaires frappent de plein fouet, la dernière édition du FSE, à Malmö (Suède), en septembre 2008, a suscité beaucoup d'interrogations. Malgré les résistances opiniâtres, dont ce FSE a permis de mesurer l’ampleur, les alternatives qui se dessinent ont du mal à se construire, à se fédérer, pour forger une alternative cohérente. Partout, la dérive de la social-démocratie et des forces qu’elle entraîne dans son sillage, pèse sur les rapports de forces.

Le succès de la neuvième édition du FSM, sur le thème « Faire payer la crise à ceux qui l'ont provoquée », a donné un nouvel élan, tant au niveau de la participation – quelle réelle jubilation de voir de nouveau se mêler des militants de générations, de langues et de cultures différentes! – que dans la qualité de l’engagement et de la combativité. Nombre de questions ont été soulevées: comment faire face à ce système, qui a généré la crise? Que doit être le «socialisme du xxie siècle»? Etc.

En Europe, la prochaine édition du Forum aura lieu, en juin 2010, à Istanbul. Bien que la réalité des mouvements sociaux du continent européen diffère substantiellement de celle de l'Amérique latine (le poids des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier et les difficultés à coordonner les campagnes de mobilisation sont plus forts en Europe), c'est un rendez-vous important. Il faut en faire une caisse de résonance des luttes en cours (comme cela avait été le cas à Athènes, avec le mouvement contre le CPE), un lieu de débat sur les réponses à la crise (règlement financier ou alternatif au capitalisme? capitalisme vert ou ecosocialisme?…) et, enfin, un espace de débat sur les stratégies du mouvement (bâtir des alliances et prendre des initiatives, construire le rapport de forces contre le capitalisme et les politiques en cours).

Le caractère global et structurel de la crise, l'émergence de luttes dans tous les continents rendent plus nécessaire que jamais la coordination, la convergence des mouvements au niveau européen et international. Dans ce contexte, les FSM et FSE constituent un espace inédit de rencontre des mouvements sociaux qui se confrontent au capitalisme mondialisé. Un espace important, indispensable, privilégié, pour les militants et les mouvements anticapitalistes. 

Agnès Festigny