Plus encore que les précédentes éditions, le Forum social mondial (FSM) qui s’est tenu fin mars à Tunis laisse un bilan mitigé...
Le FSM, ce sont des dizaines de milliers de participantEs, trois sessions de 80 ateliers chaque jour sur tous les thèmes qui préoccupent les mouvements sociaux du monde entier et s’appuient souvent sur des luttes déterminées, se centralisant sur une dizaine d’assemblées thématiques en fin de parcours. Mais de nombreux participantEs s’interrogent sur la dynamique trop limitée qui en résulte.Le FSM est incontestablement le lieu d’échanges et de coordination internationaliste majeur de tous les types d’associations de transformation sociale et écologique. Dans son édition 2015 comme pour la précédente, il a aussi servi de bol d’air à la jeunesse tunisienne, très présente à l’Université El-Manar où se déroulait le forum… Beaucoup moins dans la marche d’ouverture qui, vu les circonstances, s’est affirmée contre le terrorisme (sous une pluie battante), comme dans la marche de clôture centrée sur la solidarité avec le peuple palestinien.
Bannir les représentants de régimes étatiquesLes thèmes environnementaux, des migrations et réfugiés sont toujours plus présents. La lutte contre l’exploitation du gaz de schiste, qui constitue actuellement un enjeu lourd en Algérie et en Tunisie, a trouvé de nombreuses expressions dans le cadre de ce forum. Mais plusieurs ateliers consacrés à ce sujet ont été émaillés par des incidents, provoqués notamment par des éléments pro-régime algériens venus perturber les débats en présence du Comité populaire de lutte contre le gaz de schiste, venu aussi d’Algérie. Comme lors des FSM de 2007 à Bamako et de 2011 à Dakar, des tensions ont aussi eu lieu entre éléments pro-régime marocains et partisanEs de l’autodétermination du peuple sahraoui. Des forces pro-régime marocaines avaient même proposé plusieurs ateliers dans le cadre des débats du FSM, pour accuser le Polisario (mouvement de libération du peuple sahraoui) de recruter de force ses partisans ou de commettre des « crimes » dans les camps de réfugiés sous son contrôle. Il serait enfin temps de bannir les représentants de régimes étatiques, de surcroît dictatoriaux, du cadre du FSM. Cela vaut aussi pour les partisans du régime iranien, qui se dissimulaient derrière une prétendue « solidarité avec Gaza » pour vanter ouvertement les capacités militaires de la dictature iranienne (« Tel Aviv bientôt à sept minutes de nos missiles »...).
Changer le rapport de forces internationalUn des axes forts était la coordination de la lutte sociale dans les centres d’appel et autres entreprises sous-traitantes de firmes européennes, implantées en Tunisie et au Maroc. Comme en 2013, les syndicats français SUD et CGT étaient fortement présents sur cette thématique.Le peuple grec, avec l’étranglement par le mécanisme de la dette qu’il subit de la part des institutions européennes, était présent dans de nombreux ateliers, le lien étant systématiquement fait avec la situation du peuple tunisien.Cette préoccupation d’une contre-attaque populaire pour changer le rapport de forces était aussi au cœur de la rencontre parlementaire qui a eu lieu le jeudi 26 mars, et de la rencontre des partis progressistes et écologistes appelée le dimanche 29 par le Front populaire tunisien, deux événements en marge du FSM.Des rendez-vous ont été pris pour élever le niveau des luttes nécessaires, en Grèce en juin contre la dette, à Paris en décembre contre le réchauffement climatique, et en Italie contre la répression des migrants à une date qu’il reste à définir. Et le prochain FSM se déroulera en août 2016 au Québec.
De Tunis, Jacques Babel et Bertold du Ryon