Malgré un mouvement grandissant d’opposition, mercredi 2 décembre, le Parlement britannique a voté en faveur du bombardement de la Syrie. Pourtant la situation n’est pas si simple pour les va-t-en guerre...
Après le vote (397 pour, 223 contre), les médias ont ironisé sur le fait que 66 députés travaillistes, dont 11 membres du cabinet fantôme, avaient voté avec les conservateurs de Cameron contre l’avis de leur propre dirigeant, Jeremy Corbyn, et de la majorité de leur parti. Violemment attaqué de toute part, il y aurait certes beaucoup à dire sur les forces mais aussi sur les faiblesses de Corbyn depuis qu’il a été élu à la tête du Parti travailliste, en particulier pendant cette séquence.
Mais, vu d’ici, ce qui frappe le plus dans cette affaire est plutôt le nombre de députés qui ont voté contre, 223 dont 153 travaillistes et tous les députés (54) du SNP, le Parti nationaliste écossais. Une semaine plus tôt, en France, seul 2 députés ont voté à l’Assemblée nationale contre la prolongation des bombardements, 4 Front de gauche s’abstenant... et 515 pour ! Au Sénat, 325 ont voté pour, personne contre, avec l’abstention de 19 FdG et de 2 EÉLV.
Ces dernières années, le Parti travailliste n’a pas été particulièrement plus à gauche que le PS français. La différence tellement grande entre les deux partis sur la Syrie est en grande partie le reflet de l’opinion publique britannique qui est, elle, le reflet de la force du mouvement antiguerre au moment de la guerre contre l’Irak. Car son impact, même s’il est plus faible aujourd’hui, perdure encore.
Souvenir de la guerre contre l’Irak
Après les immenses manifestations organisées par la coalition « Stop the War », dont celle de deux millions de personnes en février 2003, la déception de ne pas avoir pu empêcher la guerre était grande, et certains des participants ont conclu que tout cela n’avait servi à rien. Mais le mouvement s’est maintenu, ce qui fait que lors de l’attaque terroriste à Londres en 2005, beaucoup de gens ont pointé la part de responsabilité du gouvernement dans la mort des 52 personnes et ont résisté aux tentatives de stigmatiser les musulmans.
Huit ans plus tard, en 2013, Cameron a été humilié au Parlement lorsqu’une majorité de députés ont rejeté sa proposition de bombarder Assad après les attaques chimiques. Ce vote a été largement attribué au poids de l’opinion publique nourrie par le mouvement antiguerre.
Aujourd’hui, 75 % des membres du Parti travailliste sont contre les bombardements, et dans l’ensemble de la population, après des semaines de débats et de manifestations, les sondages ne donnent plus que 48 % en faveur des bombardements – en baisse par rapport aux 59 % d’il y a un mois.
Un mouvement antiguerre actif
En quelques jours, Stop the War a organisé deux manifestations : 5 000 personnes le 28 novembre, puis 3 000 le jour du vote. Dans une soixantaine de villes, il existe des groupes StW qui organisent toutes sortes d’activités, dont tout récemment l’interpellation active des députés travaillistes qui s’apprêtaient à voter en faveur des bombardements. Enfin, le mouvement est aussi présent dans les syndicats et dans les facs1.
Le 27 février, une manifestation nationale est prévue contre le projet de dépenser 140 milliards d’euros sur le renouvellement des missiles nucléaires Trident. Corbyn, ainsi que le SNP, sont contre. Pour eux, ce sera un test, notamment lors du débat et du vote au Parlement. Mais quelle que soit leur attitude, sur le terrain le mouvement antiguerre britannique n’a pas dit son dernier mot.
Ross Harrold
- 1. Le site national de Stop the War : http://www.stopwar.org.uk