Depuis le référendum britannique du 23 juin, la situation a évolué très rapidement. La livre sterling est tombée de façon spectaculaire à son plus bas niveau depuis 1985 et la Grande-Bretagne a perdu son triple AAA. Une récession est tout à fait possible.
Le Premier ministre David Cameron a démissionné – ce qui était inévitable après la victoire du Brexit – mais il a précisé que l’article 50 ne serait déclenché qu’après la prise de fonction de son successeur à l’automne. Bien que Cameron reste formellement en poste jusqu’à ce que son remplaçant soit désigné, dans les faits, il n’y a plus de gouvernement. S’en est suivi une bataille amère au sein du Parti conservateur pour lui succéder : Boris Johnson, chef de file conservateur de la campagne du Brexit et favori pour la direction, s’est retiré de la course après des attaques de partisans du « Leave ».
Cinq prétendants sont aujourd’hui en lice : Liam Fox, Michael Gove et Andrea Leadsom, militants du Brexit, et Steven Crabb et Theresa May, partisans du « Remain ». Les députés conservateurs voteront dans les prochaines semaines pour désigner deux candidats parmi ces cinq et ce sont les adhérents qui départageront ces derniers. Theresa May, secrétaire d’État à l’Intérieur, a actuellement obtenu davantage de soutiens parmi les députés que l’ensemble des autres candidats réunis, même si près de la moitié n’ont pas encore exprimé de préférence.Quel que soit le successeur de Cameron, il poursuivra les attaques contre les droits des travailleurs et alimentera encore le racisme en accusant les migrants d’être responsables des difficultés qui résultent en fait de leurs politiques d’austérité.
Flambée des attaques racistes
La police signale une multiplication par cinq des attaques racistes – un chiffre sans aucun doute sous-estimé – suite à une campagne qui a vu la banalisation d’un racisme ignoble, en particulier, mais pas seulement, dans le camp du Brexit. Jo Cox, députée travailliste et fervent soutien des réfugiés, a été assassinée par un fasciste une semaine avant le référendum.Un centre communautaire polonais a été attaqué, des magasins turcs et espagnols ont eu leurs vitres brisées, et des enfants sont moqués dans les écoles, sommés de rentrer chez eux... Les communautés attaquées ne sont pas seulement celles qui sont venues en Grande-Bretagne grâce aux directives de libre circulation dans l’UE, mais aussi des personnes dont les familles vivent en Grande-Bretagne depuis des générations.
Organisation antiraciste, The Monitoring Group a reçu 112 signalements depuis le vote en faveur du Brexit contre 4 en moyenne par semaine. Suresh Grover, son responsable, a déclaré : « Il semble que nous fassions face à une vague d’incidents racistes et xénophobes. Nous avons eu des appels témoignant de tensions entre voisins, d’insultes racistes, de tracts xénophobes postés dans les boîtes aux lettres. »En réaction, il y a eu des manifestations importantes en faveur des migrants et contre les crimes de haine, ainsi que des actions de solidarité entre communautés.
Tentative de coup contre le travailliste Jeremy Corbyn
La plupart des députés travaillistes n’ont jamais digéré la victoire à la direction du parti du chef de l’aile gauche, Jeremy Corbyn, après une campagne extrêmement dynamique l’été dernier qui a vu le nombre d’adhésions doubler et les jeunes affluer. En décembre 2015, ils avaient cru pouvoir profiter de la défaite annoncée du Parti travailliste dans l’élection partielle cruciale de la circonscription d’Oldham West & Royton, mais le Parti travailliste l’emporta. Puis ils misèrent sur l’échec du Labour aux élections locales de mai 2016, mais les résultats démentirent leurs pronostics. Aujourd’hui, ils mettent en avant le résultat du référendum en faveur du Brexit pour tenter de pousser Corbyn à la démission. N’étant pas certains qu’ils pourraient l’emporter dans une course à la direction du parti, ils ont orchestré des démissions en masse du « cabinet fantôme », et les députés travaillistes ont adopté une motion de défiance.Mais Corbyn est toujours là et leurs manœuvres ont été mises en échec. Le nombre d’adhésions est à nouveau en forte hausse (60 000 cette semaine) et ils n’arrivent pas à s’accorder sur le nom d’un candidat alternatif. En parallèle, des meetings et des manifestations monstres se déroulent dans tout le pays en soutien à Corbyn, et la plupart des syndicats se sont prononcés en sa faveur.
Dans le même temps, plus de 50 000 personnes ont défilé à Londres ce samedi 2 juillet à l’occasion d’une « Marche pour l’Europe ». Sans aucun doute, ce rassemblement manquait de cohérence politique, un grand nombre de manifestants étant totalement acritiques de l’UE, et certains appelant à un second référendum, ce qui serait une nouvelle occasion pour la droite de déverser sa bile raciste... Néanmoins, des slogans en défense des réfugiés y étaient présents et l’affiche de Left Unity défendant la libre circulation des personnes a été très bien accueillie.
Corbyn et son équipe tentent de formuler un certain nombre d’exigences en termes de défense des droits des ressortissants de l’UE résidant en Grande-Bretagne, de la défense des droits des travailleurs, contre l’austérité et pour l’accès au marché unique. Bien sûr, cette tentative est très peu relayée par des médias plus préoccupés du vide politique que de la défense des droits des travailleurs. Dans cette situation volatile, le Parti travailliste aurait pu saisir l’occasion et affronter les conservateurs, mais la droite du parti est prête à abdiquer de cette lutte. Non pas qu’elle craigne une défaite de Corbyn lors des prochaines élections, mais bien sa victoire...
De Londres, Terry Conway(traduit par Raymond Adams)