À Londres, le mercredi 10 novembre, tout a changé. Confrontés à des coupes budgétaires de 95 milliards d’euros dans le secteur public, avec des projets de doubler ou tripler les droits d’entrée à l’université, 50 000 étudiants et travailleurs des universités ont brisé le mythe selon lequel l’austérité est inévitable. Des milliers d’entre eux ont assiégé le siège du Parti conservateur dans l’immeuble de Millbank, en humiliant la police. L’establishment est scandalisé et a essayé d’imposer une version des événements : « Des militants de groupes d’extrême gauche ont poussé un mélange d’étudiants de la classe moyenne et d’élèves et lycéens plus jeunes à la frénésie » hurlait un article à la une du journal de droite The Daily Mail. Les dirigeants du syndicat étudiant NUS et du syndicat enseignant UCU ont fait écho à la condamnation par l’establishment d’une « minuscule minorité » qui a « détourné » la manifestation. La réalité était bien différente. Cette manifestation de défiance, confiante en ses forces, pleine de vie, a exprimé le sentiment que les coupes du gouvernement sont illégitimes et n’ont pas de mandat démocratique. Les manifestants de Londres partageaient donc une colère profonde avec les millions de manifestants en France ces dernières semaines. Les manifestants ont également trouvé de nombreuses manières d’exprimer leur rage. Beaucoup manifestaient pour la première fois. Des milliers d’entre eux tenaient des pancartes ou scandaient des slogans qui exprimaient un humour, une colère et un mépris brutal et sans compromis pour les ministres : « Robert Mugabe ne me ferait pas payer pour la fac », « David Cameron, fous le camp et retourne à Eton », « Les seules coupes que nous voulons voir, ce sont les Conservateurs à la guillotine », etc. Ce fut une célébration insolente de la furie populaire envers l’arrogance et l’hypocrisie de la coalition libéraux-conservateurs. Le slogan « No ifs, no buts, no education cuts » (« Pas de "si", pas de "mais", pas de réduction dans l’éducation ») fut repris par les milliers de manifestants qui se sont réunis à Millbank où ils sont restés pendant plusieurs heures, applaudissant l’invasion de l’immeuble. L’occupation faisait partie de l’atmosphère de la manifestation, et n’avait de sens que dans le contexte d’une colère légitime qui n’a pas de voix dans l’arène politique dominante. Le 10 novembre marque l’entrée de la Grand-Bretagne dans un cycle de protestation qui a commencé à Athènes. La tradition radicale de désobéissance civile incarnée par les Chartistes, les Suffragettes, et les manifestants contre la Poll Tax s’est dressée à nouveau et a rugi son message dans les rues de Londres : la contre-offensive a commencé. Ce message doit à présent retentir dans toutes les facs et tous les lieux de travail jusqu’à ce que la direction du mouvement ouvrier et syndical sorte de son conservatisme. De nouvelles manifestations sont prévues pour le 24 novembre. Jim Wolfreys