Le procès qui a eu lieu les 4 et 5 septembre à Athènes relève de l’odieux : « Est-il possible que des nazis, qui se félicitent d’Auschwitz, puissent déposer une plainte contre les antifascistes et que l’affaire puisse arriver jusqu’au tribunal ? » (parole d’un témoin de la défense)...
Qui sont les deux accusés ciblés par ce procès ? Il s’agit de Konstantinos Moutzouris et de Savvas Michail. Au premier, ancien président de l’université polytechnique d’Athènes et ancien candidat de droite à la députation, on reproche de ne pas avoir fait interdire les émissions d’Indymedia depuis la fac... Le second, dirigeant du petit groupe trotskyste EEK, philosophe antifasciste connu, est mis en accusation pour un tract qui se conclut par « le peuple n’oublie pas, les fascistes, il les pend », mot d’ordre de masse de toute la gauche dans la période qui avait suivi la dictature.
Utiles au pouvoir
Plus que le procès, la vraie question est de comprendre pourquoi l’Europe libérale et son rouage grec accorde ses faveurs à un groupe ouvertement nazi, raciste, antisémite, qui non seulement serait certainement interdit depuis longtemps en France mais dont bien des membres devraient être en prison. La réponse coule de source : si le ministre grec de « l’Ordre public » parle bien de Chryssi Avgi (Aube dorée) comme d’un groupuscule extrémiste aux idées totalitaires, il laisse dans le même temps ces petites frappes agir et tenter de tuer en toute impunité (sans parler des scènes où l’on voit flics et nazillons côte à côte contre les antifascistes)... Dans la Grèce du mémorandum, l’existence de cette bande paraétatique est considérée comme utile, voire indispensable, à une partie de la bourgeoisie européenne.
Ainsi, les provocations meurtrières des nazis contre les immigréEs aident le gouvernement à intensifier sa politique raciste, invoquant « l’exaspération de groupes de citoyens ». Conséquence : de véritables camps de concentration existent désormais en Grèce, enfermant dans des conditions terribles des centaines d’immigréEs.
Voilà donc ce qui explique que la justice grecque ait accepté les plaintes déposées en 2009 par des membres de ce groupe nazi, dont un député marchand d’armes et d’insignes nazis, et une inculpée de violences à coups de couteau (dont le procès a curieusement été repoussé huit fois) !
Ils reculent sous la mobilisation
Les deux accusés ont finalement été innocentés à 100 %, le pouvoir risquant trop gros des conséquences d’une condamnation. Mais ce résultat doit surtout être apprécié dans le cadre d’une mobilisation antinazie qui s’intensifie. Ce procès a donné lieu à une campagne de solidarité en Grèce et à l’étranger. Le NPA a par exemple apporté son soutien aux deux accusés par un communiqué. De plus, la mobilisation au tribunal était imposante, et pas l’ombre d’un de ces nazillons n’y a été vue.
Il s’agit donc d’une grosse défaite des nazis, une défaite venant après une première humiliation fin juillet. Sous la pression de la mobilisation antifasciste, le gouvernement avait dû interdire au dernier moment leur rassemblement international à Kalamata (dans le sud du pays). Et le lendemain, plus de 3 000 antinazis de tout âge avaient encerclé le siège local de Aube dorée, d’où n’osaient plus sortir la dizaine de nazillons enfermés. Et ces derniers temps, des interventions de la population ont mis en fuite ces criminels, lors d’attaques contre des immigréEs ou contre des militantEs de gauche.
Les nazis sont une menace d’autant plus forte qu’ils sont un élément du pouvoir pour faire passer la politique de la troïka. Mais à partir du moment où une mobilisation unitaire et résolue s’engage, le rapport de forces sur le terrain peut être largement en faveur du mouvement social !
D’Athènes
Publié le Jeudi 12 septembre 2013 à 22h45.