En 2015, environ un million de réfugiés sont arrivés en Europe après avoir traversé les frontières de l’UE, avec pour première étape les îles grecques de la mer Égée. Grâce à la détermination des réfugiéEs et le soutien d’un mouvement de solidarité sans précédent, les frontières de l’Europe forteresse ont cédé et des dizaines de milliers d’entre eux sont arrivés à leur destination, principalement en Allemagne.
Cette mobilisation a porté un coup fort au racisme : en Grèce 85 % de l’opinion publique était favorable aux réfugiéEs, et 55 % des Grecs aidaient d’une manière ou d’une autre à leur survie, malgré les effets des mémorandums et l’extrême pauvreté.
Conditions indignes
La réaction des gouvernements en Europe a été la signature d’un accord avec la Turquie, puis avec la Libye, imposant la fermeture des frontières avec les forces de Frontex, des camps de concentration de réfugiéEs, des expulsions massives. Des milliers de réfugiéEs se sont retrouvés bloqués en Grèce et dans d’autres pays des Balkans, et les noyades ont augmenté au large de la Libye.
Des dizaines de milliers de réfugiéEs ont été bloqués dans des camps et dans des conditions misérables. Après des visites dans les camps sur les îles de Lesbos, Samos et Chios, Human Rights Watch « a constaté que les trois sites étaient fortement surpeuplés avec des pénuries importantes en matière d’hébergement et se trouvaient dans un état de saleté et d’insalubrité notoires. Les longues queues formées par les réfugiés dans l’attente d’une nourriture de mauvaise qualité, la mauvaise gestion et le manque d’informations contribuent à l’atmosphère chaotique et instable sur le camp de Moria à l’île de Lesbos ».
L’extrême droite en embuscade
Cette politique, parallèlement à l’arrivée de Trump au gouvernement des États-Unis et au développement de la campagne islamophobe en Europe, a donné de nouvelles occasions à l’extrême droite et aux partis fascistes. Le tout dans une situation de crise des partis traditionnels, des néolibéraux et des socio-démocrates, qui ont conduit des politiques d’austérité sauvage.
En Grèce, l’impressionnant reniement du non au référendum par le gouvernement Syriza-ANEL et l’assujettissement aux mémorandums de la troïka n’ont pas engendré une progression de l’extrême droite, malgré la présence au Parlement des nazis d’Aube dorée. Le mouvement populaire vers la gauche se poursuit : la déception face aux compromis de Syriza se tourne vers la gauche et la résistance ouvrière. L’intervention autonome du mouvement antifasciste et antiraciste a joué un rôle décisif dans cette évolution, en soutenant le mouvement de solidarité avec les réfugiéEs et en menant la lutte contre les fascistes dans la rue, empêchant leur tentative de se présenter comme solution alternative.
Campagne unitaire
KEERFA (Mouvement Unis contre le racisme et la menace fasciste) a été créée en 2009, sur fond d’approfondissement de la crise, comme force unificatrice de la gauche, des syndicats, des immigrés eux-mêmes. Nous luttons contre les attaques criminelles racistes et la protection donnée par la police aux fascistes. Nous avons réfuté les théories qui soutenaient que les fascistes allaient disparaître automatiquement parce que des grèves avaient lieu, ou qu’ils allaient « s’assagir » parce qu’ils sont entrés au Parlement. KEERFA a organisé avec d’autres parties du mouvement des contre-manifestations contre les mobilisations des fascistes, qui se présentaient comme « citoyens indignés ». Quand les néonazis ont assassiné le musicien Pavlos Fyssas en 2013, nous avons réussi à mener le mouvement à la grève générale de l’ADEDY (Confédération de la fonction publique) et une manifestation de 60 000 personnes jusqu’aux bureaux d’Aube dorée, contraignant le gouvernement d’alors à envoyer en prison 68 cadres d’Aube dorée et tout leur groupe parlementaire.
Ce 16 septembre, quatre ans après l’assassinat de Pavlos Fyssas, plus de 15 000 personnes ont manifesté, revendiquant la fermeture des bureaux des néonazis, mais ils ont été empêchés d’arriver jusqu’aux bureaux par la police de Syriza.
Nous appelons les 14-15 octobre à Athènes à une rencontre internationale afin de décider d’initiatives communes pour en finir avec le fascisme et le racisme, avec la proposition d’une journée d’action commune pour toute l’Europe le 17 mars 2018.
Petros Konstantinou, coordinateur de la KEERFA, et conseiller municipal (Antarsya) à Athènes