La manifestation de Pointe-à-Pitre a réuni 20 000 manifestants, exprimant la colère de la population face au non-respect des engagements pris par l’État après la grève générale de 2009. Depuis des mois, des articles, des reportages et des déclarations d’élus locaux stigmatisent le LKP, le collectif qui a dirigé la grève générale l’an dernier, comme responsable de la dégradation de la situation sociale et économique, une menace pour l’ordre public, en perte de vitesse et profondément divisé. Depuis des semaines, par pure intimidation, des camions entiers de gendarmes se déploient spectaculairement sur les routes et les axes stratégiques des villes. Ils attendent manifestement des incidents et tentent de créer un sentiment de peur et d’insécurité. Malgré cela, une nouvelle fois, un cortège de 20 000 manifestants s’est déployé samedi 9 janvier dans les rues de Pointe-à-Pitre à l’appel du LKP. Cortège varié, combatif, parfaitement organisé qui réunissait les syndicats, les associations de locataires et de handicapés et les mouvements culturels et artistiques. Il étaient déjà plus de 25 000, le 27 novembre, pour exiger l’application pleine et entière de l’ensemble des dispositions de l’Accord Bino et du protocole d’accord du 4 mars 2009, l’arrêt de la répression antisyndicale, la poursuite des négociations sur les autres points restant à examiner après le mouvement de 2009. Le LKP appelait alors « l’ensemble des travailleurs et le peuple de Guadeloupe à rester mobilisés et à se préparer à descendre dans les rues à la moindre hausse des prix des carburants ». Hausse dont on connaît d’avance les principales conséquences : augmentation générale des prix et pression sur les salaires. Et c’est bien ce qui s’est produit le 30 décembre, veille du réveillon, lorsque le gouvernement a décidé en catimini une augmentation de 4 centimes du prix du carburant. Cela fait 10 centimes de hausse, après celle de 6 centimes du 16 septembre contre laquelle le LKP a déposé un recours, car il semble que le Préfet n’ait légalement pas le droit de fixer par arrêté le prix des carburants. Aucun des engagements de l’État prévus dans le protocole du 4 mars n’a été tenu : remboursement des sommes abusivement prélevées par la Sara (filiale de Total) dans un fonds pour la formation professionnelle des jeunes, mise en place d’une taxation sur le volume réel de carburants livré aux distributeurs (effet température), suppression des taxes abusives et notamment de la taxe « passage en dépôt », remboursement des 3 millions d’euros versés à la Sara par les collectivités en décembre 2008, mise en place d’un véritable service public d’approvisionnement et de distribution des carburants garantissant un produit de qualité au meilleur coût et le maintien des emplois dans le secteur des produits pétroliers, restructuration des services de répression des fraudes quant au contrôle des prix et aux sanctions des dérives constatées. Au lieu de faire payer la Sara, l’État lui a au contraire versé, en juillet, 44 millions d’euros pour compenser « les pertes occasionnées par la baisse de l’essence » et lui a accordé un crédit de 50 millions supplémentaires. Une véritable provocation qui s’ajoute à l’ensemble des revendications non satisfaites, du fait du non-respect des accords signés par l’État, en tout premier lieu l’augmentation de salaire de 200 euros que 50 000 travailleurs devaient percevoir et dont 30 000 risquent d’être exclus. Il est donc tout à fait légitimement que le LKP a appelé à la première manifestation de samedi 9 janvier, tout en déposant un préavis de grève à partir du même jour.Cela signifie-t-il un appel à la grève générale à partir du 20 janvier, date anniversaire du déclenchement de la grève générale de 2009, comme Le Parisien en a attribué les propos au dirigeant du LKP, Élie Domota ? Non, Élie Domota et le LKP ont dénoncé cette manœuvre qui participe à une campagne visant à décrédibiliser et diviser le LKP. Pour l’heure, le LKP appelle à renforcer la mobilisation, dans les quartiers, à la campagne et dans les entreprises, en vue d’une inéluctable reprise de la grève générale si le gouvernement ne tient pas compte de ces avertissements. Alain Castan