Après être allé à Londres et Washington et rencontré à l’Elysée Angela Merkel et Matteo Renzi, Hollande a vu Poutine dans l’objectif officiel de mettre sur pied une grande coalition internationale contre Daesh. En fait, l’occasion de s’aligner un peu plus sur les exigences de Moscou...
«Échanges d’informations » et « coordination », Poutine s’est dit prêt à apporter « une contribution pratique à la formation d’une coalition antiterroriste très large, à savoir un front antiterroriste sous l’égide de l’ONU ». Non sans oublier de préciser que « la seule armée capable de lutter contre Daesh, c’est l’armée syrienne de Bachar el-Assad ».Le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, a eu de quoi se féliciter devant le silence de Hollande, d’autant que Fabius a envisagé que « des forces du régime » syrien puissent être associées à la lutte contre l’État islamique. Une façon diplomatique de se rallier à la politique de Poutine. « Si Fabius est sérieux concernant l’idée de travailler avec l’armée syrienne et avec les forces sur le terrain qui combattent Daesh, alors nous saluons cette position », a déclaré le ministre des Affaires étrangères du dictateur syrien.Le 1er octobre dernier, le Quai d’Orsay avait sollicité une enquête préliminaire pour « crimes de guerre » contre le régime Assad. « Face à ces crimes qui heurtent la conscience humaine, à cette bureaucratie de l’horreur, face à cette négation des valeurs d’humanité, il est de notre responsabilité d’agir contre l’impunité de ces assassins », déclarait alors Fabius. Et, il y a encore quelques jours, tout comme lui, Hollande affirmait qu’il n’était pas question de se rallier à la politique de Poutine...
Une coalition de brigands
Ces rencontres diplomatiques sont une mise en scène vis-à-vis de l’opinion publique visant à donner du crédit à la détermination de l’hypothétique coalition à mener sa guerre. Elles sont aussi l’occasion de tractations informelles pour tenter de donner un contenu au prétendu plan de route établi par les grandes puissances à Vienne, plan de route qui prévoit « un gouvernement d’union, une nouvelle Constitution et ensuite une élection dans 18 mois », selon les propos de Fabius. On voit mal comment leur plan virtuel pourrait prendre le moindre contenu réel sans la participation, d’une façon ou d’une autre, de Assad.Et c’est bien là le centre des discussions, et non pas la naissance d’une improbable coalition des brigands impliqués dans les négociations : les puissances impérialistes et leurs alliés, l’Arabie saoudite et le Qatar ainsi que la Turquie ou la Russie et Assad. Les uns et les autres sont obligés de tenter de coopérer pour trouver un moyen de contenir le chaos qu’ils ont eux-mêmes engendré... Mais chacun défend aussi ses propres intérêts.Ainsi, la semaine dernière, la Turquie a abattu un avion de combat Su-24 de l’armée russe qui avait violé son espace aérien à la frontière syrienne. « Nous avons de sérieux doutes sur le fait qu’il s’agisse d’un acte spontané, cela ressemble beaucoup à une provocation planifiée », selon le ministre des Affaires étrangères russe.Pendant ce temps, les bombardements continuent, la population en est la première victime, les menaces terroristes sont de plus en plus importantes. La guerre menée par les grandes puissances entretient le chaos.
Yvan Lemaitre