Hong Kong est le théâtre d’une mobilisation massive pour le droit d’élire librement le chef de l’exécutif. Une mobilisation dont les enjeux sont profonds.
Ancienne colonie britannique, aujourd’hui région administrative spéciale de la République populaire de Chine, Hong Kong n’est pas coutumière de grands mouvements sociaux. Pourtant, en juin-juillet dernier, près de 800 000 personnes ont participé à un référendum « auto-organisé » et 500 000 ont manifesté le 1er juillet pour le droit d’élire librement en 2017 le chef de l’exécutif. Le territoire compte environ 7 millions d’habitants et 3,5 millions de votantEs.
La provocation du pouvoir chinoisPékin à répondu le 31 août à cette exigence démocratique élémentaire par une véritable provocation : les Hongkongais auront le « droit » de choisir au suffrage universel entre deux ou trois candidats... sélectionnés par un comité de nomination de 1 200 membres étroitement contrôlé par le Parti communiste chinois (PCC) et les milieux d’affaires. Décision massivement rejetée à Hong Kong. À l’appel de la Fédération des étudiants, une grève des cours a commencé le 23 septembre, débouchant cinq jours plus tard sur un vaste mouvement d’occupation dans un nombre croissant de quartiers.Les élections libres n’existaient pas sous le régime colonial, mais des réformes ont été introduites durant la période de transition qui a préparé la rétrocession du territoire à la République populaire (1984-1997). Elles ont donné naissance à un système électoral complexe, par districts et par groupes « socioprofessionnels », avec des modalités de votes partiellement universelles et partiellement censitaires. Le choix du chef de l’exécutif est particulièrement antidémocratique : il est élu indirectement par 7 % du corps électoral.Les accords sino-britanniques conclus à l’époque de la rétrocession prévoyaient l’extension progressive du suffrage universel. Il est maintenant clair que ni Pékin ni les milieux d’affaires dominants ne le veulent. D’où l’épreuve de force engagée, notamment par de jeunes générations, sur l’élection de 2017.
Un mouvement démocratique et socialLe 29 septembre, la police s’est attaquée à un mouvement d’occupation civique et strictement non violent à coups de lacrymogènes et de gaz poivre. Les manifestantEs se sont protégés en déployant des parapluies : la Révolution des Parapluies était née. Cette brutalité policière, inhabituelle et très choquante à Hong Kong, a contribué à élargir la mobilisation. La Confédération des syndicats de Hong Kong (HKCTU) a dénoncé la répression, appelé à la grève, et fait le lien entre les revendications démocratiques et sociales : les restrictions démocratiques renforcent la mainmise des milieux d’affaires alors que les inégalités sociales et la précarité croissent dans le territoire. La Confédération a lancé un appel à la solidarité du mouvement syndical international et a effectivement reçu nombre de soutiens.Tout le « monde chinois » est concerné par le combat engagé à Hong Kong. Pékin craint la « contamination » démocratique en Chine continentale et abuse des médias pour déconsidérer le mouvement. Les événements trouvent un écho particulier à Taïwan, où d’importantes mobilisations ont eu lieu contre la signature d’un traité de libre-échange sino-taïwanais. La République populaire (Pékin) et la République de Chine (Taïpei) étaient hier en état de guerre latente. Aujourd’hui, une alliance se noue entre le PCC et une partie des élites taïwanaise pour assurer la bonne marche de leurs affaires et une mise sous contrôle des institutions, des réformes engagées depuis 1996 ayant instauré, selon les termes d’un chercheur engagé, une « démocratie libérale inachevée ».
Et maintenant ?Le « modèle de Hong Kong » – « un État, deux systèmes » – devait servir de référence à un rapprochement sino-taïwanais. Il est mis en cause aujourd’hui par le refus de Pékin d’honorer ses engagements en matière de suffrage universel dans l’ancienne possession britannique.Les enjeux – démocratiques, sociaux et régionaux – sont considérables. Le PCC le sait, et a mobilisé des gangs mafieux dans les quartiers les plus populeux de Hong Kong pour provoquer les manifestantEs.Initialement préparé dans le cadre d’« Occupy central with love and peace » (OCLP), le mouvement est aujourd’hui très largement spontané. Il exige la démission du chef de l’exécutif, Leung Chun-ying , mais doit faire face à la contre-offensive de Pékin et des milieux d’affaires. Cependant, quoi qu’il se passe dans les jours qui viennent, l’exigence du suffrage universel ne disparaîtra pas d’ici l’élection de 2017.
Pierre Rousset