Publié le Jeudi 27 janvier 2011 à 16h45.

Hu Jintao à Washington, les deux superpuissances se mesurent

Tapis rouge, tirs de canon, dîner privé à la Maison blanche… « la diplomatie du sourire » ou de « la compétition amicale » prônée par Obama a été mise en scène avec faste pour accueillir Hu Jintao à Washington la semaine dernière. Derrière la parade et les discours, une compétition acharnée…La presse a beaucoup épilogué au sujet de l’incident de traduction lors de la conférence de presse tenue par Hu Jintao et Obama à propos des droits de l’homme qui aurait, dans un premier temps, empêché le président chinois de comprendre la question. Il s’en est ensuite expliqué, sans gêne, « Nous devons tenir compte des différentes circonstances nationales en matière de droits de l’homme », a-t-il déclaré sans le moindre trouble, réponse qui, sur le fond, exprime une opinion largement partagée par Obama et ses semblables. La défense des droits de l’homme fait partie de la propagande et des manœuvres diplomatiques, mais, quant au fond, des intérêts sonnants et trébuchants se négocient.

D’abord des accords commerciaux pour 45 milliards dont la commande de 200 Boeing pour 19 milliards. « Notre but aujourd’hui était de faire en sorte de nous détacher des vieux stéréotypes selon lesquels la Chine serait, d’une façon ou d’une autre, seulement en train de prendre des emplois dans le secteur manufacturier ; la relation est bien plus complexe que cela », a affirmé Barack Obama, en soulignant que la Chine était aussi un important marché d’exportation pour les États-Unis. Il répondait aux attaques des républicains en défendant ce qu’il avait dit lors de son voyage à Pékin fin 2009 en donnant aux relations entre les USA et la Chine un caractère « global et positif » pour assurer l’ordre mondial et… la domination américaine.

Sauf que Jintao n’était pas à Washington en simple représentant d’un État partenaire mais bien pour affirmer les ambitions de la Chine. La croissance y reste soutenue, 10 % en 2010, alors que le reste du monde capitaliste stagne. Et c’est sur la question des monnaies que la concurrence entre les deux puissances s’est focalisée. Les USA reprochent à la Chine d’avoir une politique de dumping en sous-évaluant sa monnaie, le yuan, alors que Hu Jintao reproche aux USA d’utiliser un système monétaire international « produit du passé » pour défendre leurs propres intérêts.

La Chine n’entend pas se contenter d’être l’atelier du monde investissant son épargne dans l’achat de bons du trésor américains. Elles veut aussi devenir une puissance financière. Ses réserves se montent à 2 850 milliards de dollars soit quatre fois plus que le FMI. Elle détient 7,5 % de la dette publique américaine, une position de créancier en réalité très dépendant de son débiteur. Sans penser pouvoir prendre la place du dollar ou même le concurrencer dans l’immédiat, la Chine entend progressivement se dégager de sa dépendance à l’égard des USA pour développer sa propre intervention financière sur les marchés. Elle exporte ses capitaux, elle est aujourd’hui le principal bailleur de fond des pays dit en développement.

Une telle politique suppose que la Chine réussisse à développer son marché intérieur alors que la pauvreté, la misère est le lot de l’immense majorité de la population. Qu’elle se garantisse aussi ses moyens d’approvisionnement en matières premières et énergie.

Derrière « la diplomatie du sourire », c’est bien un bras de fer qui s’engage entre les USA et la nouvelle puissance concurrente autour de la question du yuan, de Taïwan, de la Corée du Nord ou des rivalités militaires…Yvan Lemaitre