Les États-Unis sont confrontés à une crise de l’immigration compliquée. Elle tourne autour du Titre 42, utilisé par Donald Trump pour expulser des migrantEs sans aucune procédure. Alors que le président Biden a récemment tenté de mettre un terme aux expulsions en vertu du Titre 42, la Cour suprême dominée par la droite a décidé que cette mesure devait être maintenue.
La crise actuelle a commencé en mars 2020, l’administration Trump, prétendant lutter contre la pandémie de Covid, a émis un ordre de santé publique basé sur une loi appelée Titre 42, section 265, adoptée à l’origine en 1944 pour empêcher la propagation de maladies transmissibles, mais pas pour appliquer des restrictions à l’immigration. Dans les deux dernières années et demi, 2,5 millions de demandeurEs d’asile ont été refoulés.
Titre 42
À partir de mars 2020, le Titre 42 a été utilisé pour refouler les réfugiéEs demandant l’asile et refuser de les laisser entrer aux États-Unis pour présenter leur cas. L’asile est généralement proposé aux personnes qui craignent d’être victimes de violences dans leur pays d’origine en raison de leur religion, de leurs opinions politiques, de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance ethnique et dont le gouvernement ne les protège pas. En vertu du Titre 42, les demandeurEs d’asile sont désormais repoussés au Mexique où ils attendent dans des villes comme Tijuana et Ciudad Juárez dans des conditions sordides, dangereuses et insalubres. Tout cela viole à la fois la loi américaine sur l’immigration et la convention des Nations unies.
Si le Titre 42 a exacerbé la crise de l’immigration aux États-Unis, il ne l’a pas créée. La crise existe depuis des décennies. À la frontière sud avec le Mexique, chaque année, environ un million de personnes — plus récemment près de deux millions — se voient refuser l’entrée. Des migrantEs qui tentent d’entrer aux États-Unis meurent dans le désert de l’Arizona (221 en 2021), tandis qu’en moyenne unE migrantE se noie chaque jour dans le Rio Grande. Les trafiquants (« Coyotes ») qui transportent les migrantEs à travers des pays entiers, puis à travers la frontière, demandent des milliers de dollars, et parfois volent, violent ou abandonnent les personnes qui leur ont fait confiance. En juin 2022, les autorités ont trouvé 51 migrantEs morts dans un camion près de San Antonio, au Texas, et ce n’est pas la seule fois où un tel évènement s’est produit.
Un pays d’immigration ?
Tout au long du 19e siècle et jusqu’à la fin du 20e, la majorité du peuple étatsunien s’est enorgueilli que son pays soit un refuge pour les migrantEs économiques et les réfugiéEs en quête d’asile. Les écolierEs apprenaient le poème d’Emma Lazarus inscrit sur la statue de la Liberté : « Donne-moi tes pauvres, tes exténués/Tes masses innombrables aspirant à vivre libres/Le rebus de tes rivages surpeuplés,/Envoie-les moi, les déshérités, que la tempête me les rapporte/Je dresse ma lumière au-dessus de la porte d’or ! »
Il y a toujours eu, bien sûr, des organisations et des politiciens anti-étrangers, et des vagues périodiques d’hystérie anti-immigrantEs ont eu lieu, mais en général, les ÉtatsunienEs se voyaient comme une nation d’immigrantEs qui accueillait toujours les autres (avec des exceptions, pour les Chinois au 19e siècle par exemple ou les « subversifs » au vingtième).
Le virage politique à droite des années 1980 a commencé à changer cette attitude, les politiciens républicains affirmant que les immigrantEs prenaient les emplois américains, menaçaient l’identité américaine et apportaient des idéologies dangereuses comme le fondamentalisme islamique. Durant sa campagne présidentielle de 2016, Trump a semé la peur, en déclarant à propos des immigrantEs : « Ils apportent de la drogue. Ils apportent le crime. Ils sont des violeurs. Et certains, je suppose, sont des gens bien ». Il a promis de construire un mur à la frontière mexicaine pour les empêcher d’entrer, tandis qu’en privé, il a parlé de tirer sur les personnes qui traversent la frontière.
La crise de l’immigration a été largement causée par les politiques étrangères US et les politiques économiques néolibérales partout, en particulier en Amérique centrale, où elles ont dévasté les économies nationales et porté au pouvoir des gouvernements de droite violents et autoritaires liés aux cartels de la drogue. Aujourd’hui, le changement climatique force également les agriculteurEs à quitter leurs terres et les pousse à migrer.
Les Démocrates ont avancé des propositions pour des politiques frontalières plus humaines mais, avec l’opposition des Républicains, ils sont paralysés. Certains, à gauche, réclament une frontière ouverte, mais cette idée n’est pas soutenue par la société dans son ensemble. Il est clair que nous avons besoin d’un nouveau mouvement pour les droits de l’immigration.
Traduction Henri Wilno