Interview de Manthos et Michael, militants de OKDE-Spartakos et ANTARSYA, arrétés par la police anti-émeute lors du rassemblement de mercredi dernier.
Pourquoi avez-vous manifesté mercredi soir dernier ? Combien de personnes ont manifesté avec vous et quelles organisations ont appelé à la manifestation ?
Que s’est-il passé pendant la manif avec la police anti-émeutes ? Tenez-vous le gouvernement pour responsable ?
Dans quelles conditions avez-vous été arrêtés ? Combien de personnes ont été arrêtées en tout ? Que risquent-ils et que risquez-vous ?
Comment peut-on vous soutenir ? La répression a-t-elle réduit votre volonté de combattre l’accord du 13 juillet et l’austérité ?
Nous allons répondre à toutes vos questions d’un coup. Tout d’abord, nous vous remercions pour votre solidarité et nous vous adressons à notre tour nos salutations militantes et révolutionnaires ainsi que celles de OKDE-Spartakos (section de la Quatrième Internationale en Grèce).
Le mercredi 15 juillet après-midi se tenait au parlement Grec le vote de ratification du Troisième Memorandum, mis en place par le gouvernement Syriza-Anel, un gouvernement réformiste et traître. Qu’il soit réformiste se passe d’explications, mais aussi traître parce qu’ils ont trahis non seulement leur propre programme mais également leurs électeurs et la classe ouvrière elle-même, qu’il prétendait pourtant représenter. Nous avons protesté dans la rue contre cette situation, contre les nouvelles mesures d’austérité qui vont bien plus loin que tout ce qu’avait pu faire les précédents gouvernements de la droite ou du PASOK. Nous dénoncions le coup de force de Syriza qui après les 61,5% de NON au référendum (un résultat obtenu par la mobilisation de notre classe, avec la participation active des membres de OKDE-Spartakos, de ANTARSYA et d’autres forces de la gauche extra-parlementaire, pendant que Syriza paraissait paralysé par le terrorisme des médias) a transformé ce résultat en OUI bourgeois avec la bénédiction et la collaboration de toutes les forces politiques néolibérales (Nouvelle Démocratie, PASOK, Grecs Indépendants, POTAMI). Nous avons protesté contre la perte heure après heure de notre dignité, pour les milliers de suicides passés sous silence, pour les droits des travailleurs perdus jour après jour, pour nos salaires sans cesse réduits, pour le chômage qui augmente, pour les impôts prédateurs qu’on nous impose.
Le meeting de protestation appelé par ADEDY (la Confédération des travailleurs du secteur public), ANTARSYA (dont OKDE-Spartakos est membre), des syndicats, plusieurs autres organisations politiques et sociales de travailleurs, de jeunes, de chômeurs. Nous étions 15 000 à nous rassembler.
C’était une manifestation clairement pacifique jusqu’à l’apparition de la police anti-émeute : pour disperser le rassemblement ils n’ont pas hésité à frapper violemment les participants, à les gazer et à procéder à des arrestations. On n’avait pas vu un tel déploiement de forces de répression (police anti-émeutes) depuis l’adoption du précédent Memorandum, sous la droite. Les participants au rassemblement se sont alors dispersés, seuls une poignée de manifestants a répondu aux provocations policières. Le gouvernement est clairement responsable et coupable de ce déploiement de violence légalisée de la part des forces de répression. Le gouvernement, toutes tendances confondues, à l’heure où ces lignes sont écrites, n’a pas condamné cet usage de la force, pas même la soi-disante « Plateforme de Gauche ».
Notre arrestation a eu lieu pendant la dispersion. Nous sommes tous les deux membres de OKDE-Spartakos et d’ANTARSYA. Manthos était lui à côté de la banderole de son syndicat et Michael était à côté de la banderole d’ANTARSYA. Voici un brève description donnée par des témoins :
« Manthos Tavoularis (libraire et secrétaire du syndicat des libraires de l’Attique, région d’Athènes) a été arrêté au moment où il a essayé d’aider un de ses camarades de OKDE-Spartakos qui se faisait frapper par la police anti-émeute. Ils l’ont frappé et traîné par les cheveux, l’ont insulté, ont craché sur lui et lui ont demandé ce qu’il votait aux élections, s’il votait Syriza et s’il était un sale communiste, sachant que 90% des forces répressives, la police et l’armée votent pour Aube Dorée et sont de purs fascistes, les 10% restant soutiennent d’autres forces de droite ou d’extrême-droite). 10 policiers anti-émeutes l’ont embarqué. Il n’a pas résisté quand ils l’ont arrêté.
Michael Goudoumas (éducateur et membre du syndicat des travailleurs de la Fondation pour les Enfants « Pammakaristos ») a été arrêté presque en même temps, sans non plus résister. Il courait pour échapper à l’arrestation quand il a vu une jeune femme sur le point de se faire frapper et il a accouru pour la tirer d’affaire. C’est à ce moment qu’il s’est fait frapper à la matraque dans le dos et sur la tête, et qu’il est tombé. Une vingtaine de policiers ont fondu sur lui, l’ont frappé puis soulevé. Ils l’ont alors traîné par les cheveux jusqu’à une petite rue dérobée, où il s’est retrouvé entouré d’une quarantaine de policiers anti-émeutes (ce qui correspond à 3 escadrons) qui l’ont frappé à la tête, dans les côtes, le dos, les jambes, le foie, tiré par les cheveux, et lui ont craché dessus. Comme Manthos, ils lui ont demandé s’il votait pour Syriza (à chaque fois qu’ils prononçaient le mot « Syriza », une pluie de coup s’abattait sur lui). Quand il répondait « Non », ils lui demandaient s’il votait ANTARSYA, et là une nouvelle raclée… Ils l’ont également gazé à bout portant. Il a fini par atterrir au même endroit que Manthos 30 minutes plus tard (alors qu’ils ont été arrêté presque en même temps et qu’ils ont été vus prendre le même chemin), mais au lieu de le mettre dans une voiture de police ils l’ont traîné jusqu’à un car de la police anti-émeute où il a été à nouveau battu pendant 15 minutes par 5 ou 6 personnes, dont des policiers en civil qui avaient infiltré le rassemblement. Quand il est sorti du bus, il a été photographié par les policiers avec leurs téléphones personnels, comme s’il s’agissait d’une sorte de trophée… »
Puis nous avons été transportés par la police avec d’autres camarades vers le Directoire Général de la police de l’Attique (région d’Athènes), où nous avons suivi les procédures d’arrestation habituelles et où nous avons passé la nuit. Au matin, nous sommes passés devant l’officier de justice accompagnés par des policiers en civil.
Les camarades et militants de OKDE-Spartakos et d’autres organisations sociales ont démontré leur solidarité en étant présents d’abord la nuit à l’extérieur du Directoire de la police de l’Attique puis le matin à l’extérieur du tribunal.
14 personnes ont été arrêtées en tout. 10 sont poursuivis pour des délits et 4 pour des chefs d’accusation plus graves, ils vont faire appel. Nous (Manthos et Michael) ainsi que 8 autres nous risquons 3 mois de prison fermes et 3 ans avec sursis. Nous sommes accusés d’atteinte à la propriété privée, trouble à l’ordre public, insultes et tentative de violence contre les détenteurs de l’autorité.
Nous ne sommes pas intimidés du tout. La solidarité immédiate des camarades a joué un rôle fondamental. La solidarité internationale qui se met en place en ce moment même joue aussi un rôle énorme. L’oppression la répression, la violence légitimée par la loi, les attaques de la bourgeoisie et du gouvernement ne peuvent jouer qu’un seul rôle à notre égard : de serrer encore plus les poings et de fortifier notre détermination à nous battre.
Votre solidarité peut s’exprimer en signant la pétition que nous avons envoyée et en envoyant vos salutations militantes. Nous savons que vous êtes déjà à nos côtés. Nous savons que vous faites déjà tout votre possible. Réciproquement nous nous tenons nous aussi à vos côtés, nous vous saluons le poing levé, en nous battant pour la victoire finale des travailleurs et des opprimés partout dans le monde, jusqu’à la chute du dernier bastion du capitalisme et de la bourgeoisie, jusqu’à ce que nous en finissions avec l’oppression.
Michael Goudoumas, Manthos Tavoularis
Le vendredi 17 juillet 2015