Publié le Mercredi 15 mars 2023 à 17h00.

Israël/Palestine : quelle démocratie dans un État d’apartheid ?

La focalisation obsessionnelle sur le drapeau israélien au sein de l’actuel mouvement de protestation antigouvernemental montre que son objectif est en fait de préserver le statu quo de l’apartheid.

Les manifestations israéliennes pour la « démocratie », qui s’opposent aux réformes qui menacent d’affaiblir le pouvoir judiciaire face aux pouvoirs législatif et exécutif, ont été remarquées au niveau international, surtout après leur augmentation en nombre (samedi dernier, on estime qu’un quart de million de manifestantEs sont descendus dans les rues à travers le pays, dont environ 160 000 rien qu’à Tel-Aviv). Et si des couleurs ressortent de ces manifestations, c’est le bleu et le blanc — les couleurs du drapeau israélien — portés par un très grand nombre de manifestantEs.

Un drapeau symbole d’oppression

Les drapeaux israéliens ont pratiquement noyé les quelques drapeaux palestiniens portés par ceux qui veulent montrer que l’apartheid et l’occupation israélienne font partie du problème. C’était intentionnel de la part des organisateurs — après une manifestation où des drapeaux palestiniens sont apparus et ont été arrachés, les organisateurs ont décidé de diffuser des drapeaux israéliens en masse. Peu après, l’image d’une mer de bleu et de blanc est devenue la marque de fabrique des manifestations.

Le message inhérent à ces drapeaux est typiquement sioniste — le drapeau lui-même est en fait le drapeau sioniste qui existait des décennies avant la création d’Israël. L’étoile de David en son centre représente le judaïsme et l’idée d’un État juif. L’utilisation de symboles religieux dans les drapeaux n’est pas rare. De nombreux pays chrétiens ou musulmans arborent une croix ou un croissant de lune. Mais la définition extrême qu’Israël donne du judaïsme comme une nationalité en soi (ainsi qu’une religion) rend le symbolisme juif sur le drapeau israélien extrêmement nationaliste.

En fait, Israël nie complètement la nationalité israélienne et définit Israël comme l’État juif. L’objectif est en fin de compte de décrire Israël comme l’« État-nation du peuple juif » exclusif, comme le nom officiel de la loi quasi-constitutionnelle de 2018, également appelée « loi sur l’État-nation » en abrégé.

« Nous sommes un seul peuple » ?

Ceux qui manifestent avec leurs drapeaux israéliens bleu et blanc pourraient penser qu’ils s’engagent dans un acte positif de patriotisme qui rachèterait un symbole unificateur que la droite fondamentaliste a profané. Pour enfoncer le clou, le slogan « Nous sommes un seul peuple » a été au cœur des manifestations. Mais comme beaucoup l’ont souligné, y compris Haggai Matar, rédacteur en chef de +972 Magazine, il est clair que nous ne sommes pas « un seul peuple ». Pourtant, la plupart des IsraélienEs juifs ne voient pas à quel point l’agitation obsessionnelle de ce drapeau est toxique pour les PalestinienEs. En se drapant dans le drapeau, les leaders des manifestations disent qu’il s’agit d’une affaire interne entre les juifs et l’État juif et que la question palestinienne ne les concerne pas.

Il est impossible d’ignorer l’apartheid, la persécution et l’oppression permanente des PalestinienEs. Les IsraélienEs devraient placer les PalestinienEs au cœur de tous leurs débats politiques parce que c’est une vérité qui n’est pas près de disparaître. Ils doivent y faire face. Le blue-and-white-washing, le greenwashing, le pinkwashing et tous les autres artifices de communication n’effaceront jamais le péché originel et la Nakba qui se perpétue.

Un État d’apartheid ne peut pas être une démocratie, et aucune marée de drapeaux bleu et blanc ne pourra effacer ce fait. L’oppression des PalestinienEs sera toujours au centre du problème, et l’ignorer ne fait que prolonger la douleur et la déshumanisation. La manière dont Israël traite les PalestinienEs et entretient des relations avec eux définit et définira ce qu’est l’État d’Israël et ce qu’il deviendra.

Version intégrale (en anglais) sur http://mondoweiss.net