Publié le Mercredi 10 juin 2020 à 18h23.

Italie : Black Lives Matter à Turin… et ailleurs

Le rassemblement prévu à Turin ainsi que dans d'autres villes d'Italie, en solidarité avec les Afro-Américains en révolte pour le meurtre de George Floyd, devait être une action de solidarité parmi tant d’autres, de celles qui se font parce qu’il faut bien, mais qui trop souvent n’entrent pas en résonance avec une bonne partie de la population.

De manière presque inattendue, la place s'est remplie, en particulier de milliers de personnes très jeunes, dont beaucoup d'enfants d’immigréEs, dont beaucoup portaient des pancartes faites à la maisons, qui ont répondu à l’appel de « No justice no peace » et du « Réseau du 21 mars », relayé par la radio Black Out.

Sur ces panneaux étaient exprimés non seulement la dénonciation du meurtre brutal de George Floyd par la police de Minneapolis, mais aussi le racisme bien présent et bien ancré dans notre pays. De nombreuses pancartes mentionnaient Soumaila Sacko, l'ouvrier agricole abattu il y a exactement deux ans dans la plaine de Gioia Tauro.

Aux micros, de nombreuses voix, souvent celles de victimes du racisme, se sont élevées pour condamner les violences institutionnelles que de nombreux jeunes doivent subir quotidiennement et qui se sont aggravées pendant le confinement.

Le sit-in s'est ensuite transformé en une belle manifestation qui a traversé le centre de Turin. La volonté de ne pas laisser l’espace public à la droite et aux racistes s’est clairement exprimée.

Les camarades de Sinistra Anticapitalista de Turin ont été actifs et actives toute la journée en organisant un banquet et en participant à la manifestation, en essayant de dialoguer avec une nouvelle génération qui, bien que méfiante à l'égard des organisations politiques, commence à saisir le lien entre racisme et capitalisme.

D'autre part, nous sommes confrontés à un mouvement qui traverse les frontières des États-Unis et qui doit être suivi avec attention.

Comme le disait d’ailleurs un vieux révolutionnaire, la vieille taupe continue de creuser dans l'histoire même si celle-ci semble naviguer vers d’autres horizons.

Turin, 6 juin 2020

Et ailleurs (par Dave Kellaway)

Des manifestations ont également eu lieu ou sont en cours d'organisation à Milan, Bologne (où il semble que les Sardines aient joué un rôle), Rome, Florence, Palerme, Udine, Gênes, Bari, Mestre (Venise), Montepulciano, Catanzaro, Catane, Messine, Parme, Brescia et Pise. Il se peut que d'autres actions existent dont nous n’avons pas été informés. Celles de Bologne, de Milan et de Rome ont rassemblé des milliers de personnes. À Rome, la Piazza del Popolo était pleine.

Parmi les autres questions soulevées par les manifestants non mentionnées ci-dessus :

- la fameuse controverse sur le droit du sol, qui fait que des enfants nés en Italie de parents migrants n'obtiennent pas automatiquement la citoyenneté et doivent passer par une procédure quand ils ont 18 ans ;

- Le tristement célèbre décret de sécurité de Salvini, qui s'attaquait aux droits des migrants et n'a toujours pas été entièrement abrogé bien que Salvini ne soit plus au gouvernement.

Ce qu’on appelle centre-gauche ou « forces progressistes » ont été très faibles sur ces questions. C'est un ministre du Parti démocratique (PD) qui a fait adopter la loi visant à restreindre le nombre de migrantEs venant des côtes africaines en aidant la Libye à procéder à des arrestations en mer et à jeter les migrantEs dans d’abominables camps dénoncés par la presse et les organisations de défense des droits de l'homme. Le PD est obnubilé par des considérations électorales et a été terrorisé par le populisme raciste du leader de la Lega, Salvini. L'ancien premier ministre du PD, Renzi, qui a maintenant son propre parti, Italia Viva, a même sauvé Salvini récemment en ne votant pas pour la tenue du procès de Salvini où il devait répondre de son refus méprisable d'autoriser l’accès à un port italien à un navire rempli de migrants exténués.

Pendant le confinement, les gens ont pris conscience que l’approvisionnement alimentaire dépendait du salaire de misère et des conditions de vie épouvantables des travailleurs ruraux migrants. Le gouvernement PD/Mouvement Cinq Étoiles a proposé une timide régularisation temporaire du secteur. Les manifestants ont réclamé l’obtention intégrale de leurs droits de travailleurs et de citoyens.

Une des évolutions positives actuelles est l'expression croissante de la solidarité avec Black Lives Matter de la part d'équipes de football de première division et de stars de premier plan. Le football en Italie est en retard par rapport à l'expérience britannique (qui n'est pas non plus exemplaire) à cet égard.

Ce nouveau mouvement devra s'associer aux mobilisations naissantes pour défendre les travailleurs contre les licenciements actuels et futurs et pour forcer le gouvernement à adopter un plan de relance véritablement écologiste qui traite à la fois les inégalités et les besoins environnementaux. Ni les directions syndicales actuelles, ni la gauche officielle des partis du centre ou leurs satellites ne sont susceptibles de se battre pour une telle alternative - ils sont tous engagés dans une sorte de contrat social national ou d’ « états généraux ».

S'il n'y a pas de mobilisation et si le centre-gauche maintient son orientation, le risque est que l'extrême droite gagne les prochaines élections. Les sondages montrent une baisse du soutien pour Salvini, mais son parti reste le plus populaire. Le score global de la droite constituerait une majorité. Il est inquiétant de constater que le parti néo-fasciste de Meloni, Fratelli d'Italia (Frères d'Italie), se situe à 16% et que sa cote personnelle est aujourd'hui supérieure à celle de Salvini, dont la réthorique anti-migrants n'a pas si bien fonctionné pendant la pandémie et après avoir perdu le ministère de l’intérieur.

Source : Black Lives Matter mobilisations in Italy - International Viewpoint - online socialist magazine