Publié le Mardi 1 février 2022 à 18h15.

Italie : on ne peut pas mourir de l’école !

Il sappelait Lorenzo Parelli, il avait 18 ans et il fréquentait un Institut technique d’Udine. Il est mort le 21 janvier, écrasé par une poutre dacier dans lusine de métallurgie mécanique où il travaillait pendant un « stage dalternance école-travail ». Une importante mobilisation s’en est suivie.

« Stage d’alternance école-travail » ces quatre mots (mais il y en a d’autres, dans le plus pur style bureaucratique/néolibéral, comme « Parcours pour les compétences transversales et lorientation ») permettent de comprendre ce qui s’est passé ces derniers jours.

La « bonne école » ?

Il s’agit d’une pratique scolaire rendue obligatoire – surtout dans les Instituts techniques et dans les écoles professionnelles – par le sinistre gouvernement Renzi, il y a quelques années, au sein de cette vaste réforme du système de l’instruction publique connue sous le nom de la « bonne école » (encore une utilisation perverse des mots). En réalité, la « bonne école » a été l’ouverture à la privatisation quasi-totale de tous les types d’enseignement et de tous les niveaux de l’école publique, dont l’un des symboles a été la mise en place de l’alternance école-travail.

En fait, alors qu’elle était présentée comme un outil pour fournir aux jeunes une formation « réelle » sur les lieux de travail, elle s’est immédiatement révélée être un cadeau fait aux entreprises, une main-d’œuvre gratuite et parfaitement exploitable sans aucune contrepartie ni règlementation. Il s’agit de la nouvelle frontière du marché du travail en Italie : stages de jeunes non-payés, aux frais de l’administration publique et totalement avantageux pour les entreprises. Les garçons et les filles qui y participent courent d’énormes risques, comme l’homicide de Lorenzo l’a démontré.

Un homicide

Parce qu’il s’agit bien d’un homicide, et ce n’est pas un effet de style. En Italie, en 2021, on a enregistré au moins 1401 morts au travail, la plupart d’entre eux dans des usines et sur des chantiers. Ce sont les chiffres d’un bulletin de guerre, et il s’agit bien d’une guerre contre les travailleurEs pour économiser jusqu’au centime près sur les mesures de prévention contre les accidents et sur les contrôles, pour augmenter les cadences, pour aggraver les conditions de vie et de travail, pour payer trois fois rien un travail toujours plus stressant, précaire et dangereux. Mais, depuis le 21 janvier, on ne meurt plus seulement du travail. On meurt aussi de l’école.

C’est ce qu’ont bien compris les étudiantes et les étudiants de l’enseignement secondaire de tout le pays, qui sont descendus dans la rue à plusieurs reprises dès le lendemain de la mort de Lorenzo. Après les premières manifestations à Rome (durement réprimées par la police), la protestation s’est étendue à toute l’Italie. Le 28 janvier, une semaine après ce qui s’est passé à Udine, des milliers et des milliers de jeunes se sont mobilisés dans presque toutes les villes. Ce réveil des consciences, qui coïncide avec une colère et une indignation évidentes, n’accepte pas de demi-mesures: c’est l’abrogation de l’alternance école/travail qui est demandée et non sa réforme, comme le proposent ceux qui, comme à leur habitude, veulent éteindre l’incendie. On ne peut mourir ni de l’école ni de la précarité.

« Étudiants et travailleurs unis dans la lutte »

Certaines limites ayant été atteintes, une radicalité et un engagement résolus refont surface et font entendre leur voix, voix que nous avons perdu l’habitude d’entendre et de voir et qui perturbe le train-train de la gestion des classes dominantes : le côté byzantin des élections du Président de la République en est un exemple grotesque. On ne peut pas comprendre autrement la riposte répressive disproportionnée qu’ont subie les manifestations du 28 janvier : à Turin, Milan, Naples, Rome, la police a attaqué brutalement les manifestations étudiantes, même en l’absence de comportement particulièrement hostile de la part des jeunes. Les organisations syndicales de base ont été les seules du secteur à adhérer à la protestation du 28 janvier. Sommes-nous face à la reprise d’un mouvement étudiant ? Il est tout à fait prématuré de le penser, même si probablement les secteurs de la jeunesse qui sont descendus dans la rue sont les mêmes que ceux qui ont animé ces temps derniers les mobilisations pour le climat ou les mobilisations antiracistes. C’est assurément un signal positif. « Étudiants et travailleurs unis dans la lutte » scandait-on dans la manifestation de Turin : voilà plusieurs années que, sur cette place, ce slogan n’avait pas résonné…

Traduction Bernard Chamayou