Publié le Vendredi 14 février 2020 à 09h21.

La conférence de presse de la direction sortante… et partante de Podemos Andalousie

Teresa Rodríguez, entourée des autres membres de la direction de Podemos Andalousie, a pris la parole aujourd’hui devant de nombreux journalistes pour expliquer, plus au fond que fait jusque là, son choix et celui de son équipe de démissionner du parti tout en se donnant pour mission de se conformer à leur responsabilité, en tant que direction encore en exercice, d’organiser la préparation du Conseil Citoyen par lequel, statutairement, les militants de Podemos, se prononceront pour une nouvelle équipe dirigeante. Passage de témoin en douceur jusqu’au bout.

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Transition vers un nouveau cadre militant

La première chose à remarquer est qu’à la différence de ce qui ressortait de la vidéo diffusée hier où, dans un paradoxe assumé, la dirigeante andalouse et Pablo Iglesias actaient à l’unisson… leur séparation, la première a dit aujourd’hui ne pas avoir tranché sur son départ personnel du parti. Une chose est donc, dans son esprit, la démission en tant que direction de parti se refusant à participer d’une orientation politique, le cogouvernement avec le PSOE, avec laquelle on a un désaccord radical, autre chose semble être la possibilité de « rester », à titre individuel, voire relativement collectif, pour y défendre dans les débats internes ce refus. Façon, peut-être difficile à concrétiser, de probablement réaffirmer qu’en quelque sorte en réciprocité, Adelante Andalucía (AA), qui deviendra l’organisation où, avec d’autres, les anticapitalistes défendront pleinement, y compris à sa direction, leur orientation, maintiendra la double appartenance des militants, y compris de ceux adhérant au nouveau Podemos Andalousie iglésiste. 

Toujours dans cette problématique de la recomposition militante qu’induit la rupture décidée avec Podemos, la Teresa qui est apparue hier avant tout Anticapitalista [Anticapitalitas est la section de l’État espagnol de la IVe Internationale] a aujourd’hui fait place à une Teresa évoquant certes, sans s’y attarder cependant, le courant auquel elle adhère mais en suggérant surtout que Adelante Andalucía est non réductible au label anticapitaliste qui définit, quoique pas totalement, les sortants de Podemos A : s’extraire de la direction de celui-ci ne signifie en aucune façon devenir la direction de AA mais bien plutôt jouer pleinement le jeu de ce qui est la règle de fonctionnement depuis les débuts de cette coalition, à savoir une direction plurielle et collégiale à l’image de ce qu’est la diversité de sa réalité militante. S’il est évident que les ex-podémites anticapitalistes joueront un rôle important dans AA, la conférence de presse telle qu’elle a été conçue aujourd’hui, avait visiblement pour but d’envoyer le message que ce regroupement politique comptant d’emblée quatre partis ou organisations et des militants sans partis était appelé à s’élargir à d’autres partis, associations et personnes non affiliées. Y compris, on l’aura bien compris, membres de Podemos A.  

Sur le plan de l’orientation générale que, selon Teresa Rodríguez, défendra une AA désormais libérée des contraintes et tensions que faisait peser la direction de Podemos centre sur les podémites andalous, c’est l’institution pleine et entière d’un « sujet andalou » qui est l’objectif affiché en partant du constat que le peuple andalou est particulièrement pénalisé sur le plan social, culturel et, in fine, politique, par un cadre autonomiste, pourtant conquis de haute lutte, mais qui s’avère, de par les inégalités territoriales existantes, brider ses droits à une vie digne. Il faut ici insister sur la mention qu’a faite Teresa Rodríguez de la mobilisation du 28 février qui est la fête nationale andalouse célébrant le référendum de 1980 par lequel les Andalous imposèrent d’être partie prenante, ce qui leur était a priori refusé, de la construction de l’État des Autonomies aujourd’hui toujours en vigueur.

Il n’échappera, à ce propos, à personne que la logique d’affirmation nationale andalouse (emblématiquement « verte et blanche » comme le pin arboré par Teresa Rodríguez) attachée à son Autonomie, dont il est demandé « seulement » qu’elle soit l’espace de souveraineté qu’elle n’a jamais été, n’a rien à voir avec la volonté catalane de rompre avec son Autonomie. Sans que cela induise, pourtant, comme certains, en particulier à droite et à l’extrême droite, y travaillent, une opposition politique entre les deux Communautés/Nations car, comme a tenu à le rappeler la dirigeante andalouse, son autonomisme s’inscrit, à sa façon, dans la démarche d’autoaffirmation souveraine des Basques, Catalans ou Galiciens. Dans l’idée forte, prenant à contrepied l’idéologie espagnoliste, centraliste et attiseuse des haines locales pour se maintenir au pouvoir, qu’elle a exprimée pour définir l’andalousisme d’AA : « ce n’est pas parce que d’autres que nous demandent des choses pour eux qu’ils nous les enlèvent » ! Ce qui est à comprendre au demeurant à partir de la forte connotation, selon ses propres mots, plus  sociale (lutte contre la pauvreté, contre le chômage et la précarité, pour un logement décent, etc.) que territoriale, qui est donnée à cet andalousisme. Tout ceci n’épuise pas pour autant la question de fond du devenir, centrifuge indépendantiste ou centripète fédéraliste ou confédéraliste, des diverses dynamiques nationales à l’œuvre que l’État central espagnol n’a jamais pu définitivement éradiquer par la dictature ni, on le voit, contenir par la concession, lors de la Transition à la démocratie, des Autonomies.  

On ajoutera, pour finir, que les futurs ex dirigeants andalous de Podemos ont réaffirmé leur ancrage fondamental dans une perspective d’alternative politique radicalement écologiste, féministe et – pardon pour la syntaxe boiteuse – « de classe travailleuse » ! Autant d’indices de la cohérence postulée du choix fait par l’anticapitalisme de se dégager de l’impasse Podemos au rappel, toujours selon les mots de Teresa Rodríguez, que « ce que la gauche ne fait pas ouvre le chemin de la droite ». Et par là pérennise l’exploitation et les oppressions consubstantielles au capitalisme.

Vaste programme donc, encourageante volonté de faire renaître un espoir de changement sorti des sentiers battus et rebattus de la « gouvernementalisation » dont le parti de Pablo Iglesias, il faudra bien en prendre la mesure par-delà la volonté affirmée de ne pas tendre les rapports avec lui, se fait désormais le héraut.

 

PS : l’eurodéputé anticapitaliste Miguel Urbán, acteur de premier plan, avec Pablo Iglesias, du lancement de Podemos (c’est lui qui eut l’idée du nom), a également annoncé ce jeudi, sa démission du parti. Il siègera, en accord avec la direction de Podemos centre, au Parlement Européen en tant qu’élu de Anticapitalistas. Lire cet article.