Publié le Samedi 6 septembre 2014 à 10h04.

« La guerre à Gaza fait partie de la guerre déclarée au peuple palestinien depuis 65 ans »

Franco-palestinien de Jérusalem, Salah Hamouri a 29 ans. Durant 7 ans, il a été prisonnier politique en Israël pour des actes de résistance contre l’occupant. Aujourd’hui étudiant à la faculté de droit à Jérusalem, il travaille pour Addameer, une association qui soutient les prisonniers politiques et lutte pour le respect des droits de l’homme. Nous l’avons interrogé à l’occasion de sa venue à l’Université d’été du NPA.

Voir l'intervention au meeting. Comment analyses-tu la situation à Gaza ?La guerre à Gaza fait partie de la guerre déclarée au peuple palestinien depuis 65 ans. Aujourd’hui, cela fait 45 jours que les Israéliens continuent leur massacre sur tout ce qui est vivant à Gaza. Israël traverse une crise interne, au sein de la coalition. Cette guerre était planifiée depuis longtemps par les Israéliens, et l’enlèvement des trois colons, les tunnels et les missiles, n’ont été que des prétextes pour déclencher l’offensive. La résistance est prête pour une guerre à long terme. Les massacres israéliens et les menaces d’occuper Gaza ne feront pas reculer cette résistance. Elle ira jusqu’au bout pour obtenir ses quatre exigences : la réouverture d’un port et d’un aéroport, la levée du blocus, la libération des prisonniers et le passage entre Gaza et la Cisjordanie. Qui résiste à Gaza ?Le message qu’essaient de faire passer les médias – il s’agit d’une guerre entre le Hamas et l’occupant – est une contre vérité. En fait, il s’agit d’une guerre contre toute la population de Gaza. Ce sont tous les Gazaouis qui se font tuer. Tout le monde résiste : les partis islamistes comme le Jihad et le Hamas, et aussi les partis de gauche comme le FPLP, le FDLP, ainsi que la branche armée du Fatah… Il est faux de présenter cela comme une guerre entre Israël et le Hamas, et ceux qui parlent d’un conflit Hamas-Israël veulent uniquement délégitimer la lutte de libération du peuple palestinien. Comment expliques-tu qu’en Cisjordanie il n’y ait pas plus de réactions par rapport à cette situation ?Il y a des réactions en Cisjordanie, mais malheureusement elles ne sont pas suffisantes. Il faut comprendre que la Cisjordanie est l’objet de pressions permanentes depuis 2002, les arrestations y sont quotidiennes et toutes les villes sont occupées. Le mois dernier, plus de 2 000 personnes ont été arrêtées. Malheureusement les mesures économiques, mises en place par l’Autorité palestinienne, pèsent aussi sur la population. Il y a eu des réactions à Jérusalem. Pourrais-tu nous en parler ?À Jérusalem, il y a eu un grand soulèvement, surtout après l’assassinat du jeune Palestinien de 16 ans qui a été enlevé et brûlé vif par des colons. Toutes les tentatives des Israéliens d’isoler la population palestinienne de Jérusalem de toute forme de résistance ont échoué. La population de Jérusalem est fortement attachée à la résistance et aux droits du peuple palestinien. La colonisation à Jérusalem continue : la confiscation des terres, la destruction des maisons se poursuit. Le rêve sioniste d’unifier les deux côtés de Jérusalem comme capitale unique des Israéliens se perpétue. Ainsi, les cartes de résident de Jérusalem sont retirées pour envoyer les Palestiniens en Cisjordanie. De plus en plus de personnes sont expulsées sous le prétexte par exemple de ne pas avoir payé telle ou telle taxe... Comment analyses-tu l’évolution de la société israélienne ?On voit depuis les élections de 2006 et même avant, que la société israélienne va de plus en plus vers l’extrême droite. Il n’y a presque plus de gauche. Par contre, l’extrême droite progresse sans cesse ! Elle veut s’attaquer non seulement à la population de Gaza, mais aussi à tous les Palestiniens. On a vu des appels pour envoyer devant le tribunal la députée du Parlement israélien, la Palestinienne Hanine Zoabi. C’est une politique raciste et d’apartheid. L’enfermement de cette société israélienne s’accroît chaque jour un peu plus. Que penses-tu de l’accord inter­palestinien de réconciliation signé par le Hamas et l’OLP en avril dernier ?C’est quelque chose d’important pour les Palestiniens. Nous savons que nous ne pouvons pas avancer sans l’unité nationale pour notre liberté et notre indépendance. La division a durée 7 ans, et ce n’est donc pas facile de revenir d’un seul coup à la « normale ». Il faut se donner du temps pour cette réconciliation, pour les personnes, y compris psycho­logiquement. Malheureusement, tout l’accord n’est pas totalement respecté. La jeunesse palestinienne est très attachée à cette notion d’unité. Israël a utilisé cet accord pour justifier son intervention militaire à Gaza. Quel est le rôle joué par l’Égypte et les autres pays arabes ?Nous considérons qu’il y a trois blocs dans la région. Un est favorable à la résistance : le Hezbollah, la Syrie et l’Iran. Deux autres blocs : l’Égypte et l’Arabie saoudite d’un côté, et le Qatar et la Turquie de l’autre. Ces quatre pays sont les policiers des États-Unis dans la région. Ils tentent de contrôler le Proche-Orient, non pas dans l’intérêt des peuples, mais pour l’intérêt de chacun de leur régime réactionnaire, soutenus par les États-Unis. Mais nous savons qu’aucun accord ne se fera sans l’Égypte. Que penses-tu des accords d’Oslo de 1993 ?Cela a été une faute stratégique. Ces accords ont reconnu l’état de l’occupant comme un état normal dans la région et ont donné un prétexte de plus aux pays du monde qui n’avaient pas encore de relation avec l’occupant pour normaliser leurs relations avec celui-ci, comme l’a fait la Chine. Oslo et l’accord économique après Oslo ont été des pièges pour nous. C’est une leçon : nous ne pouvons pas négocier tant que nous sommes faibles. Sans une résistance forte, nous n’aboutirons à rien. Cela s’est vérifié à Gaza. La résistance est claire. Après 45 jours de guerre, plus de 2000 morts et des milliers de blessés, 30 000 bâtiments détruits, il est impensable de revenir à la situation précédant juillet 2014. Même la population de Gaza pousse dans ce sens. Durant la trêve, il y a eu des manifestations dont le slogan était : « Ne lâchez pas, nous subissons, mais continuez, avancez, on soutient la résistance. » Avec l’avancée permanente de la colonisation, quelles peuvent être les perspectives du mouvement palestinien en terme de revendications ?Les Palestiniens avaient deux choix : l’un tactique et l’autre stratégique. D’un point de vue tactique, pour rassembler les Palestiniens, la solution de deux états ne pouvait être que temporaire, chacun le sait. Cette solution n’existe plus avec la colonisation telle qu’elle est aujourd’hui. Au niveau stratégique, la seule solution est donc un seul État, démocratique, pour tous, qui garantisse le droit au retour des réfugiés. Pour cela, il faut un programme de résistance à long terme. Qu’est-ce qui te semble essentiel à développer sur le terrain de la solidarité avec le peuple palestinien ?Toutes les actions de solidarité sont importantes. Par exemple les manifestations internationales sont très importantes, car elles montrent que les Palestiniens ne sont pas seuls, isolés. Les actions de la campagne BDS, pour isoler politiquement et économiquement Israël, la solidarité avec les prisonniers palestiniens retenus dans les prisons israéliennes, les jumelages avec des villes palestiniennes, la nomination de prisonniers comme citoyens d’honneur de villes, l’envoi de délégations qui témoigneront une fois rentrées dans leur pays, etc. toutes ces actions sont utiles et importantes. Un dernier message ?Le mouvement de soutien à la Palestine a toujours existé, il faut bien sûr l’amplifier. Le gouvernement français a pris des positions qui sont claires pour nous : François Hollande a soutenu nettement les justifications du gouvernement israélien dans sa guerre contre Gaza. Le peuple palestinien ira jusqu’au bout de ses revendications, par tous les moyens possibles, et la solidarité internationale renforce notre résistance. Propos recueillis le mardi 26 août par Claude B. et Alain J.