Damas a organisé une mascarade à grande échelle avec une deuxième « élection présidentielle » depuis le début du processus révolutionnaire en 2011. Bachar al-Assad a « obtenu 95,1% des voix », améliorant son score de la présidentielle de 2014 (88%).
Les élections présidentielles ont toujours eu pour objectif principal, depuis l’arrivée de la famille Assad au pouvoir en 1970, de mobiliser les réseaux du régime et affirmer son pouvoir total sur la société syrienne.
Entre farce électorale et mobilisation des réseaux du régime
Cela n’a pas été différent cette année avec Bachar al-Assad. Comme à chaque élection, le culte de la personnalité du chef de l’État est particulièrement visible : immenses posters à son effigie, slogans, chants et clips vidéo à sa gloire, émissions de propagande, tout indique que l’œuvre de son père, Hafez al-Assad, perdure toujours, plus de cinquante ans après sa prise de pouvoir. D’ailleurs, les portraits de Bachar al-Assad n’ont jamais semblé aussi nombreux dans les zones sous la domination du régime syrien.
Deux personnalités considérées comme des faire-valoir se se sont présentées face à Bachar al-Assad : l’ex-ministre et parlementaire Abdallah Salloum Abdallah et un membre de « l’opposition tolérée » par Damas, Mahmoud Marei. Ils ont remporté respectivement 1,5 et 3,3 % de voix.
Le scrutin excluait de facto les figures de l’opposition en exil, très affaiblie, la loi électorale imposant aux candidats d’avoir vécu en Syrie dix ans consécutifs et de recueillir le soutien de 35 députés du Parlement. De plus a l’étranger, le vote n’a pas plus d’intérêt. Pour pouvoir voter, les ressortissant.es syrienEs devaient prouver qu’ils sont sortis légalement du pays. Une condition qui exclut, de fait, la participation des réfugiéEs et de nombreux opposantEs politiques.
Soutien des alliés de la Syrie et poursuite de la normalisation régionale
Le gouvernement russe a qualifié la « réélection » de « victoire convaincante », et de « pas important pour renforcer la stabilité » du pays. Poutine a en outre déclaré que les résultats du vote ont pleinement confirmé la haute autorité politique de Bachar al-Assad et la confiance de ses « concitoyens ». L’autre allié de Damas, Téhéran, a félicité Bachar al-Assad pour sa « victoire ferme ».
Les gouvernements de Washington et de plusieurs états européens ont condamné une élection « ni libre ni juste ». « Vos opinions ne valent rien », a rétorqué Bachar al-Assad.
En même temps, la normalisation politique entre Damas et certaines capitales arabes se poursuit. Le ministre syrien du tourisme, Rami Martini, s’est rendu dans le royaume saoudien pour la première visite officielle d'une délégation syrienne en Arabie saoudite depuis la rupture des relations diplomatiques il y a près de 10 ans. La délégation syrienne a été invitée par le ministère du Tourisme de l'Arabie saoudite et l'Organisation mondiale du tourisme pour assister à la « 47e réunion du comité de l'Organisation mondiale du tourisme pour le Moyen-Orient ». Cette visite fait suite à des informations diffusées par divers médias au début du mois, qui faisaient état d'une délégation des services de renseignement saoudiens en visite à Damas pour rencontrer des responsables de la sécurité du régime Assad.
« Pas d’avenir pour les Syriens avec le tueur »
Pendant cette grande mascarade, des manifestations et une grève générale ont néanmoins lieu dans de nombreux villages et villes du gouvernorat de Deraa contre cette « élection ». Des drapeaux de la révolution syrienne ont par exemple flotté dans la cour de la mosquée al-Omari – berceau de du soulèvement populaire – au-dessus d’une bannière sur laquelle on pouvait lire : « Il n’y a pas d’avenir pour les Syriens avec le tueur ». Sur d’autres bannières et grafitis, les manifestantEs affirmaient leur refus d’accorder une quelconque légitimité à ces élections. Cette région, qui a été reconquise officiellement par les troupes de Damas à l’été 2018, est un centre de contestation continue contre le régime syrien. Dans la région de Suwayda, dans le sud ouest du pays, des graffitis ont également condamné cette élection dans les semaines qui l’ont précédée.
De nombreuses manifestations populaires ont également été organisées dans la région d’Idleb, dans le nord-ouest, qui abrite quelque trois millions d’habitantEs et est sous la domination du groupe djihadiste de Hayat Tahir Sham. Les régions autonomes du nord-est sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes, dominées par les forces kurdes du PYD, ont ignoré le scrutin.
Bachar al-Assad, à la fin de ce nouveau mandat de sept ans, aura dirigé le pays pendant 28 ans, portant le total de la famille Assad, père (Hafez al-Assad) et fils, à 58 ans, ce qui représentera alors plus de la moitié de l'existence du pays depuis son indépendance en 1946.
Face à la tyrannie continue du régime du clan Assad, maintenons notre solidarité Internationaliste avec les forces progressistes et démocratiques syriennes !