Le 31 octobre, la Palestine était admise comme membre de l’Unesco : 107 pays ont voté pour, 14 contre et 52 se sont abstenus. La délégation palestinienne à l’Unesco et les proches de Mahmoud Abbas se sont félicités de ce succès diplomatique, dont on ne saurait cependant exagérer l’importance. Si une majorité d’États se sont prononcés pour l’admission de la Palestine à l’Unesco, force est de constater que le total de 107 votes favorables est très en-deça des 130 voix que l’équipe palestinienne prétendait avoir « sécurisées » dans la perspective d’une demande d’admission à l’ONU. A fortiori lorsque l’on sait que des pays comme la France, qui ont répondu positivement à la demande palestinienne à l’Unesco, ont annoncé qu’ils s’abstiendraient lors du vote à l’ONU. De plus, comme nous le soulignions la semaine dernière, quand bien même l’Autorité palestinienne demanderait l’inscription de sites historiques et/ou religieux au patrimoine mondial de l’humanité, aucun mécanisme contraignant ne pourrait obliger Israël à les évacuer ou à cesser d’en tirer des bénéfices via le tourisme.
La « victoire » palestinienne est donc symbolique : la « Palestine », sa culture et son patrimoine, sont reconnus par une majorité d’États. Mais il s’agit davantage d’une confirmation que d’un bouleversement : la Palestine possède aujourd’hui, à travers le monde, 128 ambassades et 28 missions diplomatiques (davantage qu’Israël), et de multiples résolutions des Nations unies ont déjà consacré les droits nationaux des Palestiniens. Sans que cela ait un quelconque effet sur les agissements d’Israël. Le peuple palestinien le sait, c’est pourquoi l’on n’a guère été surpris de l’absence de célébration, dans les territoires occupés, de l’admission à l’Unesco, énième péripétie diplomatique sans lendemain. Mais les États-Unis et Israël n’ont-ils pas vivement condamné la décision de l’Unesco ? Certes. Doit-on en déduire qu’ils craignent que le scrutin du 31 octobre bouleverse les rapports de forces ? La réponse semble contenue dans la question… Les sanctions états-uniennes contre l’Unesco sont la conséquence « naturelle » de deux lois adoptées par le Congrès au début des années 1990, qui interdisent le financement de tout organisme des Nations unies qui accueillerait les Palestiniens comme membres de plein droit. Quant aux réactions israéliennes, le moins que l’on puisse dire est qu’elles sont davantage l’expression d’une continuité que d’une rupture dans la politique sioniste.
Certains ont interprété l’annonce de l’accélération de la colonisation comme une « riposte » à la démarche palestinienne… alors que la colonisation n’était même pas « gelée » ! Est-il nécessaire de rappeler que la colonisation n’a jamais cessé depuis plusieurs décennies et que les dernières annonces, loin d’être une réaction « défensive », ne sont que la poursuite d’une politique expansionniste ? On a ainsi appris le 6 novembre, dans le quotidien israélien Maariv, que les autorités israéliennes avaient, depuis plusieurs semaines déjà, autorisé la construction de plus de 20 000 nouveaux logements à Jérusalem-Est, et examinaient les plans de construction de 32 000 autres logements. Le 16 octobre dernier, c’est même l’établissement d’une nouvelle colonie (pour la première fois depuis près de quinze ans), Givat Hamatos, qui était annoncé…
Pour Israël, l’épisode de l’Unesco n’est qu’un (nouveau) prétexte pour poursuivre sa politique de fait accompli et de déni des droits nationaux des Palestiniens, tout en essayant de détourner l’attention en pointant du doigt l’Iran. Le « haussement de ton » des États-Unis est davantage l’expression d’une crispation liée à leur perte d’influence et à l’isolement de leur principal allié dans une région en plein bouleversement que d’une soudaine inquiétude liée au vote à l’Unesco. Et dans le même temps, la direction Abbas continue de clamer qu’elle souhaite « reprendre les négociations »… Une schizophrénie révélatrice de la faillite de la « stratégie » à laquelle elle continue pourtant de s’accrocher, celle d’une solution négociée avec Israël sous parrainage états-unien. En dépit de cette évidence renforcée par les récents événements : l’administration états-unienne et le gouvernement israélien font partie du problème, pas de la solution.
Julien Salingue