Publié le Jeudi 21 décembre 2017 à 15h17.

« La polarisation va mener à une situation et un gouvernement très fragiles »

Andreu Coll (Anticapitalistas) nous raconte la journée d’élection en Catalogne.

Comment se déroule l’élection ?

L’ambiance est bizarre. Il y a beaucoup de monde aux bureaux de votes. La participation est énorme, elle va battre tous les records. Cela renforce le côté antinationaliste. Historiquement, tous ceux qui ne se sentaient pas concernés par les élections catalanes n’allaient pas voter aux élection de l’Autonomie. Mécaniquement, une hausse de la participation renforce le vote antinationaliste. La situation est étrange car il y a des anciens ministres et dirigeants en prison, d’autres exilés. Puigdemont soutient la campagne depuis Brucelles, Junqueras depuis la prison… 

Quels sont les enjeux de l’élection ?

Les résultats vont être très serrés entre les deux blocs. Il y aura beaucoup de problèmes pour créer un gouvernement. La polarisation va mener à une situation et un gouvernement très fragiles.

Il y a plusieurs batailles pour savoir quelle force va dominer. D’abord, globalement, cela risque d’être Ciudadanos. Du côté nationaliste, on verra si c’est Junts Per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne) de Puigdemont ou Esquerra republicana qui domine. Il y a une deuxième bataille, à gauche, pour savoir si c’et En Comú Podem ou la CUP qui sera devant. En Comú Podem a baissé dans les sondages après avoir déclaré qu’il était favorable à un gouvernement de gauche plurielle, c’est-à-dire avec ER et le PS, qui soutient le 155 ! Beaucoup de militants auront envie de voter pour la CUP. Le discours de Podem met à équidistances le 155 et la proclamation de la république, disant que les torts sont partagés.

Comment les différents gorupes mènent-ils campagne ?

Seule la CUP dit qu’elle est pour « déployer la république ». ER bascule tous les jours, ainsi que Junts Per Catalunya. Toutes les forces bourgeoises ou petites bourgeoises basculent. Ils ont fait l’expérience de la proclamation unilatérale, ils ont testé la force de l’État et ils ne seront sans doute pas pour une autre aventure de ce style. Ciudadanos fait campagne sur la fin du « cauchemar indépendantiste », le retour à la stabilité politique. Leur programme est très libéral et anticatalan, pour une épuration des médias et de l’école. Cela va plus loin que la politique du Parti populaire, qui a finalement été relativement prudent dans la mise en place du 155. Le PP devient la dernière force politique, Ciudadanos a grignoté tout l’espace du PP et du PS. Le vote pour Ciudadanos est composé des sphères les plus bourgeoises… et les plus populaires hélas, sur la question de l’identité espagnole. 

Que va-t-il se passer après l’élection ?

Il également faudra voir quelle formule gouvernementale sera mise en place. Cela risque d’être ingérable. Cela sera sans doute très bloqué sur le plan parlementaire. Cela peut-être positif pour la résistance face aux coupes budgétaires et les réformes libérales. Le gouvernement sera libéral mais sera fragile. Les deux blocs dominants sont en effet sous hégémonie des forces bourgeoises, ER ou Junts Per Catalunya d’un côté, Ciudadanos de l’autre. C’est le drame de la situation : Pour l’instant, la polarisation identitaire a mené à ça. La seule gauche qui n’est ni libérale ni identitaire chute. La CUP est radicale mais se limite à la dimension indépendantiste.

Propos recueillis par Antoine Larrache